Akhenaton & Just Music Beats par Bezah Miyagi

Étant le seul chroniqueur marseillais du magazine, fan inconditionnel de Monsieur Chill et connaissant un des deux producteurs du duo Just Music Beats (coucou Buddah Kriss), cette chronique risque fort de puer le chauvinisme.

Ceci étant dit, ça n’enlève rien à qualité et au travail qui a été fait sur ce projet. (Oui oui, je vous assure.)
En effet, on a affaire à du grand (immense) AKH sur des productions toujours aussi efficaces et qualitatives de Just Music Beats aka Oliver & Buddah Kriss.

Le confinement n’a pas eu que des mauvais côtés, la preuve avec ce magnifique projet « surprise » réalisé en deux mois par les trois protagonistes.
Astéroïde porte bien son nom, car il est arrivé à un moment où on ne l’attendait pas et est venu s’écraser de plein fouet sur la planète rap. (Clairement.)

J’ai vraiment apprécié le fait que Chill ait enregistré cet opus en mode système D, laissant une grande place au feeling et à l’instant T.
Seul dans sa bibliothèque, armé d’un laptop, d’un micro et d’une carte son, tout simplement, comme le font un tas de MC’s dans l’underground.
On est loin des majors et des studios bling bling avec des tables SSL de trois kilomètres, un parc de trente-six micros et des « super » racks à la pelle avec option four à pizza.
Comme quoi, on peut réaliser de très bons projets à la maison quand on a la motivation et le savoir-faire. (Et un peu de matos, je vous l’accorde)

Le travail du duo Just Music Beats est tout simplement impressionnant.
Les deux beatmakers s’adaptent toujours remarquablement à l’univers de l’artiste avec lequel ils bossent.
Que ce soit avec Perso, Ron Brice, Muge Knight, Degom, etc. à chaque fois, les prods sont taillées au millimètre, un véritable travail d’orfèvre.
On ne change donc pas les bonnes habitudes avec cet album.
Les beats s’imbriquent parfaitement avec le phrasé de Chill, dans un univers boom bap à la new-yorkaise qu’apprécie tant le MC, ce qui rend le tout homogène et très agréable à écouter (d’autant plus que son compère de longue date DJ Kheops s’occupe de la plupart des scratches, on est donc en terrain connu).
Buddah Kriss & Oliver font partie de ces artistes de l’ombre qui n’ont pas bénéficié d’une exposition tonitruante mais qui ont eu un gros succès d’estime dans le milieu Hip Hop, ce qui les a amené à collaborer avec certains des plus grands artistes français et à gagner le respect de ces derniers. (Faf Larage, IAM, Sat, Flynt, Veust, Deen Burbigo, etc. pour ne citer qu’eux.)

En ce qui concerne le taff du rappeur, Sentenza a fait ce qu’il sait faire de mieux : des lyrics toujours aussi soignés, un champ lexical très vaste, des métaphores à profusion et un flow simple, mais redoutablement tranchant.
J’ai également relevé que sur ce projet Chill se lâche un peu plus sur le taff des rimes, avec pas mal de multisyllabiques, d’assonances et d’allitérations, rendant son rap peut-être un peu moins accessible qu’en temps normal et touchant potentiellement un public plus averti. (Ce qui n’est pas une mauvaise chose, bien au contraire).
Comme à son habitude, il traite de sujets assez sérieux dans l’ensemble. (Peu d’egotrip)
Certains appellent ça du rap conscient, moi j’appelle ça un point de vue, tout simplement.
Je vous avoue ne pas être un grand fan de rap dit « engagé », car au bout d’un moment je trouve ça chiant, la musicalité étant souvent mise de côté dans ce genre de rap.  (Oui, désolé)
Mais lorsque c’est aussi bien fait et surtout que l’aspect musical n’est pas négligé, je ne peux que saluer le travail et apprécier.

Pour les featurings, on peut retrouver Infinit’ et Veust sur O’straniere, ainsi que Napoleon Da Legend sur Storytellers et FTVV.
Peu de feats, mais ce n’est pas étonnant vu la singularité de cet album.
Cela dit, les feats sont peu nombreux, mais très qualitatifs, donc ça n’est pas très dérangeant finalement.

Pour l’aspect technique, j’ai vraiment beaucoup aimé le mixage de Kriss et le mastering de David Meaume.
Nous sommes à des années-lumières du son très « criard » et ultra-compressé des productions actuelles.
Le son est fréquentiellement très équilibré et laisse place à la dynamique, tout ce que j’aime.

L’artwork très « comics » avec une touche japonisante présentant un inquiétant Galactus, réalisé par Bang Bang Artwork est juste magnifique.
Il colle parfaitement à l’identité sonore et visuelle de Monsieur Akhenaton.

Pour conclure, je dirais qu’il faut que vous écoutiez ce projet d’urgence car pour le moment il est clairement dans le top 5 des meilleures sorties rap français de 2020.

Sur ce, portez-vous bien et sortez couverts ! (Elle est bonne celle là hein ?) 

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Chronique de Bezah Miyagi