Nas
King’s Disease 2
Année : 2021
Format : album 15 titres
Localisation : USA (New York)
Production : Hit-Boy
Featuring : EPMD, Eminem, Lauryn Hill, Hit-Boy, YG, A Boogie Wit Da Hoodie, Charlie Wilson, Blxst

Ai-je besoin de vous présenter une légende vivante du Hip-hop ? L’un de ses plus grands artisans, souvent considéré comme le meilleur à avoir pris le micro. Celui qui pour moi représente parfaitement la rue et qui possède une discographie démarrée en 1994, pour presque trois décennies de street crédibilité.

Faisant suite à l’album King’s Disease sorti en 2020, et qui aurait lui aussi amplement mérité une chronique, King’s Disease II est le treizième album studio du rappeur américain Nas (sorti en août 2021 chez Mass Appeal Records). Hit-Boy produit l’album dans sa totalité, parfois épaulé par quelques beatmakers additionnels (Jansport J entre autres), pour un magnifique projet dont la qualité sera, on l’imagine, largement confirmée par les critiques et les ventes.

L’album s’ouvre le morceau The Pressure qui détaille une partie de la pression que les artistes subissent dans l’exercice de leurs fonctions, de la part de leur environnement ou de leur communauté, concernant leur apparence physique ou leurs relations. Nas est un artiste connu pour insuffler à sa musique des connaissances pouvant aider ses auditeurs. En s’adressant à ses fans, Nas laisse entendre qu’il ne peut pas continuer à sortir des albums éternellement étant donné son âge et ses autres intérêts, tels que les affaires et la famille. Ceci est particulièrement pertinent étant donné la clameur de ses fans pour qu’il sorte plus de musique après que Nas a sorti le King’s Disease LP acclamé par la critique. On commence bien.

Le titre Death Row East revient ensuite sur une partie de l’histoire du rap, un projet qui aurait pu avoir de grandes conséquences. En effet, après le succès du label californien Death Row fondé par Suge Knight dans les années 90 avec entre autres des artistes tels que 2Pac, Snoop Dogg, Dr. Dre, Dogg Pound, l’idée était de créer une filière pour mettre en avant les artistes East Coast. Nas revient sur cela, il parle de sa rencontre avec 2Pac au Bryant Park à New York, peu de temps avant la mort du gangsta rappeur. Ils ont échangé ensemble et 2Pac a dit à Nas qu’il allait retirer tous les passages où il le clashe dans son futur album Don Killuminati : The 7 Day Theory. Hélas, il est mort avant d’avoir pu retoucher ses textes et l’album est sorti tel quel. Nas et 2Pac s’appréciaient mutuellement, d’autres versions circulent de cette histoire mais Snoop Dogg confirme celle-ci. Enfin, concernant la prod, Hit-Boy dira qu’il a étudié le travail de Johnny J (un des producteurs de 2Pac) pour créer un son qui ressemblera à un son de Pac.

Le morceau qui a fait couler beaucoup d’encre est l’inattendue collaboration entre Eminem et Nas, tout cela aux côtés du mythique duo EPMD. Ce titre est assez réussi dans l’ensemble, Eminem fait ce qu’il sait faire de mieux : de la technique. Son couplet est assez long (on s’habitue à force) mais très réussi pour le coup. Malgré l’enchaînement technique, on y retrouve une certaine musicalité alors que les autres acteurs assurent comme il faut.

Le premier single de l’album se nomme Rare comme pour rappeler que le rappeur de Queensbridge est un être rare, si on peut le dire ainsi, qui a connu le succès dès ses débuts, qui a su garder son style tout s’adaptant à son auditoire. Au final, très peu de rappeurs ont su faire le saut des années 90 aux années 2000 et encore moins au son actuel. Lui le fait aisément et ouvre la porte à d’autres, il inspire.

L’autre morceau qui a logiquement beaucoup fait parler de lui c’est Nobody avec Lauryn Hill en featuring. 15 ans après le mythique If I Ruled The World (Imagine That) présent sur le deuxième LP de Nas, les deux artistes se retrouvent. À l’époque, Nas avait imaginé ce qu’il ferait s’il dirigeait le monde, maintenant il imagine un endroit où il pourrait s’éloigner du monde et devenir une personne à part entière. Beaucoup ont analysé le couplet de l’ex-chanteuse des Fugees et le place au-dessus de celui de Nas. Je n’ai pourtant rien vu de bien impressionnant des deux côtés, c’est peut-être par ce que je ne classe pas ce titre parmi mes favoris.

Nas a également fait participer des artistes tels que YG, Boogie With Da Hoogie et Blxst qui représentent une autre génération. Il ne l’a pas fait pour s’appuyer sur leur succès et ainsi toucher plus de monde mais parce qu’il apprécie leur travail. C’est lui qui leur donne de la force, non le contraire. L’autre invité de marque est Charlie Wilson, l’ex-chanteur du groupe The Gap Band, mythique groupe de funk qui rempli les pistes de danse depuis les années 1970.

L’album est une grande réussite et remet l’artiste à sa place : sur le trône. En plus de tout ce que j’ai décrit, Nas parle beaucoup de son passé, de sa vie ou de faits historiques. Le tout n’est pas fait sur un air nostalgique ou sur un des beats types ’90. Bien au contraire, on y voit l’évolution d’un artiste qui a toujours réussi et on y retrouve beaucoup d’influences, notamment jazz, et ce flow sans pareil. Hit-Boy a également fait un travail remarquable sur la bande sonore, il rappe un très bon couplet d’ailleurs. Nas a fait le pari de sortir deux albums avec un lien entre eux en quelques mois et le résultat est époustouflant. Le roi a su prouver que personne ne pourra prendre sa place, tout en restant humble et talentueux, et que sa carrière est un exemple.

Chronique écrite par Fathis