Poète et écrivain dans le rap, MC incontournable de la scène toulousaine, auteur compositeur depuis une vingtaine d’années, Furax Barbarossa nous parle sans détour de son univers, et de celui du rap en général… l’occasion de découvrir également son dernier album, À l’isolement, composé sous forme d’un recueil de freestyles.

Photo – Chill

Bonjour, peux-tu te présenter ?
Bonjour, Furax Barbarossa, MC toulousain depuis une vingtaine d’années.

Pourquoi as-tu choisis ce nom ?
Parce qu’avant je griffonnais sur les murs et autres supports avec ce pseudo… je l’ai pas lâché, il m’allait plutôt bien. 

Comment as-tu découvert la culture Hip Hop ?
J’avais à peu près 10 ans et on m’a donné une cassette de LL Cool J, c’est à partir de ce moment-là que je me suis intéressé à tout ça. La culture Hip Hop, je sais pas si je suis dedans mais en tout cas j’aime le rap depuis cet âge-là.

À cette époque, le rap représentait-il autre chose que maintenant ?
Je crois que c’était différent oui, à cette époque le rap était un lanceur d’alerte et les MC’s des haut-parleurs… ils ne s’inventaient pas des vies, tout ça était authentique, ça puait l’bitume. 
Tout évolue, c’est bien normal et en vérité tant mieux si ça plaît aux gens, moi ça ne me parle pas, c’est tout…

« (…) Peut être aussi que la musique a prit tellement de place dans cette culture qu’elle a rendu transparent le reste aux yeux du plus grand nombre . »

Furax Barbarossa

Comment se sont fait tes débuts dans le rap ?
J’ai commencé à rapper dans des technivals, on posait du son avec une équipe de fracassés et en matinée ou en journée, on faisait tourner des instrus, on écrivait et on rappait dessus. 
Après c’est venu naturellement, j’ai commencé les petits concerts dans des pizzerias, des Laser Quest puis de plus en plus gros.

Quand tu étais plus jeune, quelles étaient tes influences dans le rap ?
J’écoutais que du rap français, un peu de rap américain au début, mais quand je comprends pas ça me soûle (rires). Moi j’écoutais Booba, X-Men, 2bal 2neg, Lunatic

Et aujourd’hui ?
J’écoute plus de rap depuis qu’ils n’en font plus !

Photo – Neka

Quelle importance a le rap dans ta vie ?
Une grande…même si avec le temps il en a de moins en moins. Je me lève pour faire de la musique et je me couche après en avoir fait, c’est comme ça depuis des années. Je suis un peu comme CR7, ou Jean-Michel du FC PTT, il me reste encore quelques matchs à jouer. Après je raccrocherai avec le sentiment du devoir accompli. 

Rapper veut-il dire la même chose aujourd’hui qu’à tes débuts ?
Rapper aujourd’hui, ça veut tout et rien dire. Ils ont englobé tellement de choses dans le rap. 
Avant, si tu savais pas faire des rimes, si tu savais pas te placer sur la prod, tu ne touchais simplement pas le micro. Pour moi faire du rap c’est écrire, aller chercher la belle rime tout en voulant dire ce que je veux, après, s’y rajoute le flow et la prod adéquate.  Aujourd’hui, écrire est devenu une perte de temps pour eux, ils n’ont plus cette culture-là. Tout est basé sur l’image qu’ils renvoient et le gimmick qu’ils vont lâcher sur le refrain. Je ne dis pas que ce qu’ils font n’est pas bon, je dis juste que ce n’est pas du rap. 

Ton style artistique, tu le définis comment ?
Je dirais que c’est une musique technique, sombre mais entraînante… après, où elle t’entraîne, c’est ton problème (rires). 

Pourquoi tu donnes de l’importance à la rime et à la technique justement ?
Parce que j’ai appris comme ça ! Les gars que j’écoutais quand j’étais gamin, Salif et autres, leurs tournures de phrases me rendaient ouf. Moi je veux faire des phrases, je veux raconter quelque chose, je veux emmener les gens quelque part, faire un assemblage de mots juste parce que ça claque, ça ne m’intéresse pas. 
Comme je te l’ai dit, pour moi la rime c’est la base de tout et si on faisait le tri je crois qu’il n’y en auraient pas beaucoup qui auraient leur place dans ce jeu (rires) mais c’est le public qui décide, le public a dit oui une fois et ils se sont tous engouffrés dans la brèche. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire des millions avec deux mots ? Dans un monde où le papier domine, leur solution était toute trouvée, je n’en veux à personne. 

Dans une interview pour GQ, tu dis « Nous, les MC’s, on est pas considérés comme des écrivains », tu peux m’en dire plus ?
Il suffit de regarder la réaction des gens quand on dit qu’on fait du rap. On peut lire la gêne dans leur regard (rires) . Ce genre musical n’a jamais eu la cote auprès  des personnes qui n’en n’écoutent pas, il est rempli de clichés, de préjugés… On a longtemps été considérés comme des illettrés bons qu’ à dire « nique la police » à chaque fin de phrase… Alors oui, nous le disons, mais nous nous appliquons à argumenter, à cracher cette colère en poésie.
Des vers qui ne sont pas reconnus à mes yeux, mais qu’importe, je n’ai jamais attendu de cérémonie, de médaille ou de diplôme (rires). Juste un peu plus de considération.

Pourquoi cet aspect « littéraire » du rap se perd-t-il selon toi ?
Parce qu’il y en a un qui a montré aux autres que l’on pouvait faire un carton plein en faisant autre chose et tout le monde a suivi. Je pense aussi que le rap français a pompé jusqu’à l’os le rap US, aujourd’hui pour moi, s’en est qu’une pâle copie… et là-bas, ils ont fait de la soupe avant nous. 

Photo – Titouan Garnier

Toi, quelles sont tes sources de motivation et d’inspiration pour écrire ?
Ça dépend, si je veux faire un morceau sur le monde je n’ai qu’à regarder ce qui nous entoure.
J’écris beaucoup de trucs personnels, j’ai en stock pas mal de choses à dire donc j’ai pas besoin d’aller très loin pour trouver, je vais puiser dans mon vécu et dans ce qu’il me reste de mémoire. 

Tu es beatmaker ? Comment procèdes-tu pour composer un son ?
Je suis pas un beatmaker public (rires), je ne le suis que pour moi. J’ai ni le temps ni l’envie de tout mélanger. Quand je le sens et que je sais où je veux aller, j’ouvre le logiciel. 
Généralement je fais une base, je fais la rythmique, soit je fait une composition d’instruments, soit je vais chercher un sample… dès que j’ai fait ma maquette, j’envoie ça à Toxine et on travaille ça pour lui faire prendre quelques étages, en règle générale j’aime faire des arrangements avec tous les beatmakers avec qui je travaille. 

Les interludes, tu en écris et on les entend dans tes sons, que ce que c’est et à quoi servent-ils ?
Une interlude se peut être un pont entre deux titres, une intro, une outro. Faut pas en faire partout mais je pense que parfois c’est important, selon le thème, d’aller chercher un document audio ou le créer en cabine sur des fonds sonores. J’aime bien faire ça, c’est très cinématographique.

Tu as écris ceux de l’album de SCH, comment s’est déroulé la collaboration ?
Je sais pas si on peut parler de collaboration (rires), je n’ai jamais parlé avec lui de ce projet. 
J’ai écrit en fonction de ce que Guilty (D.A. du projet) m’a dit. Il m’a fait un briefing,  m’a fait écouter les titres que je devais joindre, m’a expliqué l’ambiance et où il voulait un peu que j’aille. Après j’ai laissé place à l’imagination… Je les remercie pour leur confiance, c’est un exercice qui m’a toujours plu. 

Photo – Neka

Dans tes sons on entend aussi clairement et régulièrement des scratches, c’est important pour toi ?
C’était ! (rires) Ça faisait partie du truc, aujourd’hui ça scratche un peu moins et personnellement je ressens moins le besoin d’en mettre sur mes albums. En live par contre, je trouve que ça a un autre impact. C’est toujours puissant si c’est placé au bon endroit, au bon moment. 

Tu peux nous dire ce que c’était Polychrome 7 ?
C’était un groupe de 5 ou 6 MC’s, des beatmakers et deux DJ’s. C’était il y a plus de 10 ans. Le groupe s’est par la suite transformé en Bastard Prod avec l’arrivée d’autres membres.

Tu peux nous parler de ta mixtape sur le confinement et de Cha-O-Ha ton dernier EP ?
C’est pas une mixtape, c’est plutôt un EP. À l’isolement c’était un recueil de freestyles que j’ai écrit et lâché en vidéo pendant le premier confinement, j’avais décidé d’en sortir un par semaine. Puis les gens m’ont dit qu’ils aimeraient  bien l’avoir en bonne qualité. Donc j’ai sorti ce petit condensé de freestyle sous forme d’EP mixé par DJ Soon. Après j’ai envoyé Cha-O-Ha, c’est un maxi cinq titres que je voulais la sortie de l’album, ce qui ne saurait tarder, histoire de donner quelques titres aux gens qui me suivent.

Qu’est ce que tu penses de la culture Hip Hop en 2021 ?
Je t’avoue que je suis un peu focus sur ma discipline, j’aime bien regarder de la danse et apprécier des peintures quand j’ai l’occase, mais j’ai peut-être trop le nez dans ma merde pour pouvoir regarder autour. 

As-tu conscience de la distance qui s’est installée entre toutes les disciplines du Hip Hop ?
Oui, ça s’est clairement éparpillé, chacun est parti dans sa propre direction, ce sont quasiment des disciplines à part maintenant. J’ai aucune explication là-dessus, les temps changent, les mouvements aussi. Peut être aussi que la musique a pris tellement de place dans cette culture qu’elle a rendu transparent le reste aux yeux du plus grand nombre.

Qu’est-ce que le rap te permet par rapport à un autre style de musique ?
Rien de plus que ce que pourrait me permettre un autre style musical. 
À partir du moment où tu écris et que tu chantes ce que tu écris, peu importe que tu fasses du rap, du reggae, de la country…tout t’es permis. 
Faire de la musique c’est pareil, peu importe le style choisi, ce qui change c’est les gens qui font cette musique. 
As-tu déjà entendu Jean-Jacques Goldman faire un morceau en criant haut et fort qu’il a vendu plus de disques que Francis Cabrel ? Dans le rap on est incroyables, on se regarde le nombril, on veut se monter les uns sur les autres en permanence…c’est épuisant (rires). 

Photo – Juliette Beulaguet

Comment tu vois l’avenir du rap, des rappeurs/rappeuses ?
Je le vois encore plus creux qu’il ne l’est aujourd’hui en terme de lyrics et musicalement, bien plus électro. Plus ça va et plus on s’éloigne des racines, c’est ainsi, et quand je te dis ça je suis pas en train de chialer, moi je fais ce que j’ai envie de faire, c’est-à-dire rapper SUR les racines…le temps peut faire son travail, la mode, la musique peut changer, les gens aussi, je suis libre de rester sur mes rails. 

Et toi, ton avenir artistique ?
Je fais les choses au jour le jour, tant que j’aurai envie, tant que j’aurai le feu, je ferai des albums. En faisant ce que j’ai envie de faire et non ce que la tendance pourrait me dicter. 

Un dernier mot, une dédicace ?
D’abord merci à toi pour le temps accordé. 
J’aimerai dire merci à ceux qui me soutiennent depuis longtemps et à ceux qui viennent d’arriver… la suite va être musicalement sombre, l’équipe.
Que la paix vous accompagne.
À très vite. 
La Tarentule


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Entretien réalisé par Zoé Lebarbier