Réalisateur et scénariste autodidacte, Mathieu Rochet retranscrit à l’écran sa passion pour le Hip Hop depuis la série New York Minute et le film Hell Train. Il a également cofondé le magazine Hip Hop Gasface en 2006. Lost in Traplanta, sa dernière websérie, c’est l’histoire de Larry (joué par l’humoriste Kody Kim), un jeune français qui, pour reconquérir le cœur de sa belle, doit reformer le groupe Outkast. Larry sillonne les rues d’Atlanta à la recherche d’André 3000 et de Big Boi. Sur son chemin, il rencontre tout un tas de personnes susceptibles de le mener vers le groupe et en apprend davantage sur le Hip Hop made in Atlanta. Au fur et à mesure, on comprend qu’ATL est une ville où le Hip Hop coule à flot, grâce notamment à Outkast.
Lost In Traplanta c’est aussi une série riche en bons sons, en fous rires et en belles rencontres. Entretien avec Mathieu Rochet.

Affiche Lost In Traplanta

T-REX : Quelle fut ta première rencontre avec le Hip Hop ?
Une cassette avec écrit « Run DMC – Raising Hell ». C’est mon grand frère qui l’a ramenée à la maison, j’avais 11 ans. Ça a changé ma vie, c’est devenu la bande-son de tout… Mais je ne savais pas que c’était du Hip Hop, j’avais aucune notion de ça. Juste après, j’ai découvert Public Enemy, mais toujours en ignorant la dimension Hip Hop du truc. Pourtant P.E. ça me travaillait, je me demandais qui était ce Malcolm X, ce Farrakhan qu’on entendait dans les intros, pour moi c’était ça l’univers autour du rap.
La première fois que j’ai compris qu’il y avait toute une culture autour du rap, je crois que c’est en lisant « Free Style » de SBG et Desse. Y’avait des interviews de Lucien, Sear, Henry Chalfant, Chuck D… Tout le monde balançait des noms, et ça me donnait envie d’en savoir beaucoup plus. C’est marrant parce que 15 ans plus tard, je suis allé chez un beatmaker appelé Sébastien Bardin-Greenberg à Brooklyn. Un peu par hasard, je lui ai parlé de ce livre, et j’ai découvert que SBG, c’était lui ! Et Desse, sa mère.

« Le Hip Hop n’a rien inventé. Il a tout réinventé. »

Grandmaster Caz

Quelle est ta vision du Hip Hop ? Qu’est ce qu’il t’apporte et quelle est, selon toi, son utilité dans notre société ?
Ma vision du Hip Hop est bancale parce que j’ai grandi à Lyon et j’ai tout découvert dans le désordre. Le break, le graff, j’y connais pas grand chose… Alors que des cassettes comme NBA Superstars où tu vois Kenny Anderson jouer sur le Stay Real d’Erick Sermon, pour moi c’était le summum, ce que la vie a de mieux à offrir.
Quand on a monté le magazine Gasface, on a voulu être honnête avec ça, pas faire des pages graff ou break parce que quelqu’un a dit que c’était obligé. Par contre, on a revendiqué une culture rap élargie en traitant de ciné, de basket, de littérature, de société, et surtout des musiques qui ont « fait » le rap. Pour nous c’était aussi important d’interviewer Isaac Hayes ou George Clinton que DJ Premier ou Alchemist
J’adore la phrase de Grandmaster Caz : « Le Hip Hop n’a rien inventé. Il a tout réinventé ». Le Hip Hop ça m’apporte ça, l’idée de tout remettre en question : les usages, les concepts… Un autre truc que j’aime bien, c’est l’idée de faire un maximum de choses soi-même, de ne pas attendre les autres, et de ne surtout pas attendre la permission.
Après je sais pas à quoi sert le Hip Hop dans la société, mais j’ai l’impression qu’il fait beaucoup pour la séduction qu’opère les USA sur le reste du monde. C’est un peu dingue quand tu penses que les Noirs font l’essentiel du soft power américain avec la NBA, le Hip Hop, le RnB, le stand-up alors qu’ils sont loin de vivre en égaux dans leur propre pays, et constamment en danger vis-à-vis de leur police.


New York Minute – 2010

Le grand public a souvent la vision (tronquée) de la naissance du Hip Hop français à Paris, en banlieue et sur le fameux « terrain vague de la Chapelle », mais vous à Lyon quel était votre endroit fédérateur et vos activistes locaux ?
Je suis pas la bonne personne pour te parler des débuts du Hip Hop à Lyon, car j’y étais pas. Pour parler de ce que j’ai vu : y a le parvis de l’Opéra, juste en face de l’Hôtel de Ville. Depuis les années 90, tout le monde converge là-bas. Tu voyais les Pockemon s’entraîner, et les breakers dansent toujours là-bas. Les endroits fédérateurs pour les gens plutôt branchés son, c’étaient les magasins comme Expérience – qui vendait du vinyle – ou All Access – qui vendait des mixtapes et des bombes de peinture. D’ailleurs c’est là que j’ai acheté une mixtape de DJ Krisfader où j’ai découvert Outkast – merci à lui ! A un moment donné, Kris (le DJ d’IPM) et DJ Didydee faisaient plein de soirées, et j’étais le kid qui se tient tout près et qui note mentalement tout ce qu’ils font. En activiste, il a aussi JM Mougeot, qui a créé le festival l’Original et qui a beaucoup fédéré par ici.

Mathieu Rochet Atlanta
Mathieu Rochet à Atlanta

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours ? Qu’est-ce qui t’a amené à réaliser Lost in Traplanta ?
J’ai commencé à mixer à 16 ans avec mon pote Damien : il avait une platine, moi aussi, donc on a mis nos disques et notre matos en commun. Il avait des mixtapes de PF Cuttin, toutes les Cut Killer, les Mister Cee, et ça m’est monté au cerveau… À 18 ans je me suis radicalisé vers le turntablism à cause de Q-Bert, des Beat Junkies. Damien est parti sur le reggae, d’ailleurs il a produit un album de Daddy Mory (Raggasonic) l’an passé… À 21 ans j’ai dépanné un copain DJ en radio et j’ai rencontré Nico [Nicolas Venancio] et tous les deux on a monté le fanzine Gasface qui est devenu un magazine, une boite de prod. de films, de concerts.
On a fait les séries New York Minute, HellTrain, le film Lookin4Galt, tous tournés à NYC. Fin 2015, je me suis retrouvé solo, et j’en pouvais plus de New York, du Hip Hop raconté au passé, je voulais parler du rap au présent et surtout le vivre au présent. Depuis 2-3 ans, je prenais plein de notes sur ATL, des repères pour plus tard : le lycée où Big et Andre se sont rencontrés, le bar où ils ont fait leur premier concert, le premier Donjon, le Donjon Blanc, le magasin de grillz, les studios, etc. Puis un jour j’ai vu le sketch de Key & Peele sur Outkast, et j’ai eu le déclic : la séparation pas claire d’Outkast est un phénomène de ouf, un fait culturel aussi commenté qu’un de leurs albums. Ils vont jamais se remettre ensemble, donc faut essayer de faire ça précisément… N’empêche, t’imagines comme j’aurais été dans la merde s’ils s’étaient reformés en cours de route ?


Lookin4Galt – 2013

Gasface is #lookin4Galt – 2013


Quelle est ta définition de l’activisme Hip Hop ? Te considères-tu comme un activiste Hip Hop ?
Je dirais que c’est considérer que l’art est plus important que toi et agir en conséquence. Un jour j’ai entendu Murs dire un truc qui ne m’a jamais quitté depuis : « 90% de gens de ce milieu ont arrêté d’aimer le Hip Hop, pour aimer LEUR place dans le Hip Hop ». D’une manière générale, c’est assez facile de voir qui vient pour prendre et qui vient pour donner… Par exemple : un jour je marchais avec Masta Ace à Lyon, et y avait Lilou [ndlr : Champion de Monde de Breakdance, membre fondateur du Pockemon Crew] sur le trottoir d’en face. Ace l’a reconnu, et il était super excité ! Il lui a même demandé une photo, c’était ouf à voir. Combien de rappeurs établis peuvent être fans d’un mec qui a 20 ans de moins qu’eux ? C’est super rare de voir un ancien aimer le Hip Hop comme ça.
Moi, pour être honnête, je me suis jamais senti activiste, j’ai toujours eu la même motivation : rencontrer des gens intéressants, apprendre et faire des trucs fly. On a créé Gasface parce que le magazine qu’on voulait lire n’existait pas… et parce que c’est ouf de pouvoir rencontrer Ghostface, Premier, Prodigy, c’est sûr. On a organisé des concerts parce qu’on en avait marre de rouler 8-9h pour aller voir Prince Paul ou Brand Nubian à Zurich et d’inventer des baratins de ouf pour faire nos interviews… Quand on a ramené O.C. à Lyon, on a pu l’interviewer pendant 2 heures vu qu’on lui payait l’hôtel ! Mais au bout de 5-6 concerts, j’ai eu l’impression que n’importe qui pouvait faire un truc pareil, que t’y mettais très peu de toi-même. Donc on a fait des mags, puis des films. Aujourd’hui c’est pareil, j’ai juste envie de bosser avec des gens talentueux, et de faire les films que j’aimerais voir mais que personne fait.

« 90% de gens de ce milieu ont arrêté d’aimer le Hip Hop, pour aimer LEUR place dans le Hip Hop »

murs

Est-ce que tu penses qu’un magazine comme Gasface serait possible de nos jours ? Qui vois-tu avec ce même esprit en 2020 ?
Il n’était déjà pas possible à l’époque ahah ! On est arrivés en plein déclin de la presse papier, mais on était tellement remontés qu’on remarquait rien. Un jour, Sear (Get Busy) nous a raconté qu’à une époque, les labels pouvaient inviter les journalistes à New York pour couvrir la sortie d’un album, on hallucinait… On a jamais connu ça, ni les pages de pub des marques de clopes, donc on n’avait rien à regretter, à vrai dire. On avait un distributeur (NMPP), le mag était partout et on trouvait déjà ça dingue… Au départ, en 2001, on aurait pu faire un webzine plutôt que d’imprimer un mag, mais on trouvait ça wack, que c’était faire semblant. Imprimer un mag c’était comme presser un vinyle pour nous, être dans la lignée de Get Busy, The Truth ou Egotrip. L’état d’esprit on l’a pas inventé, un mec comme Prince Paul incarnait exactement le fun et l’inventivité qu’on aime dans le Hip Hop, d’où le nom du mag. Du coup j’ai l’impression d’être le père de rien, mais le cousin de plein de gens.

Erick Sermon (EPMD) entrain de lire GASFACE
Erick Sermon (EPMD) et son exemplaire de GASFACE

Depuis la fin de Gasface, est-ce que tu ressens encore l’impact que votre magazine a pu avoir sur son public ? J’imagine qu’on t’en parle encore (la preuve !) ?
Bah déjà Gasface existe toujours, même sans moi. Après, le mag s’est arrêté en 2008, ça fait un bail, oui… j’ai de temps en temps des retours sympas, dans la vie ou sur Facebook. Le plus gros impact, ça reste quand même les séries et les films, qui ont été vus aux USA et ailleurs… Un truc qui m’a marqué : une fois j’étais dans les bouchons à Lyon et dans la voiture d’à côté j’ai reconnu Blu et Exile – déjà, c’est étonnant, même s’ils venaient jouer à Lyon ce soir-là -… On discute, et de fil en aiguille, ils me disent qu’ils ont vu New York Minute et Lookin4Galt ! A partir de 2011-2012, j’ai l’impression que la moitié des rappeurs US qu’on croisait connaissaient notre taf, grâce au relais qu’en ont fait Nahright, RapRadar et Complex.

Larry (Kody Kim ) et Bone Crusher
Larry (Kody Kim) et Bone Crusher

Ce qui frappe dans Lost in Traplanta c’est qu’on se rend compte que tout le monde a un rapport de près ou de loin avec le Hip Hop. Selon toi, pourquoi cette ville a autant d’attaches avec ce mouvement ?
Déjà c’est une ville noire, historiquement. Ensuite, les facs noires ont attiré plusieurs générations d’étudiants de tous les coins des States – majoritairement des meufs. Ce détail a fait venir beaucoup de rappeurs de NY à ATL, dès les années 90. Ensuite le Freaknik a attiré encore plus de monde à ATL, qui a la réputation d’être une ville fun où les clubs ferment très tard. Pour finir, c’est une ville où tu peux espérer percer dans le rap et louer un appart pour pas cher, donc c’est un cercle vertueux. La ville est très rap, et les gens très rap veulent y vivre.

Dans la série, on parle beaucoup de trap et Larry demande presque systématiquement la signification de ce mot aux personnes qu’il rencontre. Quelle est ta définition de ce terme ?
J’ai mis toutes ces définitions dans le film parce qu’elles sont toutes vraies. Pour le vieux crackhead Grady, c’est un terme des 60’s qui désigne l’endroit où tu retrouves tes potes pour t’amuser. Pour un mec de 20 ans comme Big Child Support, c’est un peu tout : les bails, ton lieu de travail, tout ce qui est cool. Ici quand on te parle de trap, on parle du type d’instru, et on a déjà perdu 90% du sens de la chose. J’aime pas donner des leçons, dire « ça c’était mieux avant » mais je trouve important de bien nommer les choses, de pister leurs origines pour vraiment les comprendre. Albert Camus disait « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Tous les jours, tous les Macron de la Terre galvaudent les plus chouettes mots du dictionnaire, et je n’y peux vraiment rien. Mais à mon échelle, je peux dire : « Hé, la trap c’est pas juste un kit avec 20 sons, ça a une histoire et la voilà. »

Larry à la recherche d'Outkast dans les rues d'Atlanta
Larry à la recherche d’Outkast dans les rues d’Atlanta

Lost in Traplanta retrace le parcours d’un jeune français qui, au volant de sa voiture, sillonne les rues d’Atlanta à la recherche de Big Boi et André 3000. Ne serait-ce pas un petit clin d’œil à l’époque Gasface ?
Franchement, c’est surtout un clin d’œil à Borat ! Un mec largué qui débarque dans un milieu dont il ne connaît rien, mais en croyant qu’il sait. C’est le même film, appliqué au rap. Après t’as raison : depuis que je fais ce taf, il y a tellement de galères, d’obstacles, de détours que j’ai pris le parti d’en rire et de les intégrer au récit. Là, j’ai carrément inventé des contretemps, des déviations, pour que Larry puisse rencontrer telle personne et apprendre telle chose.
À ATL les gens rigolaient quand je les briefais sur Larry : il cherche Outkast, il galère, mais il a du bol et il tombe sur les bonnes personnes pour lui parler de la ville et de sa culture. Ils me faisaient : « Ah ouais, c’est toi en fait ».

Destiny aimerait que le groupe Outkast se reforme. Et toi, si tu devais reformer un groupe lequel serait-il et pourquoi ?
Heltah Skeltah, en clonant Sean Price à partir d’un poil de barbe retrouvé derrière un radiateur chez Bernadette Price… Jurassic Price, quoi !

« En France le Hip Hop il est partout, j’ai l’impression. Il y a du graff même dans les forêts, le rap écrase toutes les musiques, les kids n’écoutent rien d’autre. »

Si du devais réaliser le même concept que Lost in Traplanta mais en France, quelle ville choisirais-tu et quel groupe de rap ?
Pas évident. Je sèche, là. De toute façon, faudrait qu’on aille d’abord avec Larry en Jamaïque pour parler de reggae. Il pourrait vraiment mettre une lumière inédite sur cette île, aller chez ces Blancs très riches qu’on voit jamais dans les docus reggae. Faire tomber le cavalier du Polo Ralph Lauren !

Tu ne trouves aucune ville française qui pourrait être représentative du Hip Hop ?
Si, Miami ! Tu savais qu’il y a plus de français là-bas qu’à Auxerre ? Bon j’rigole…(Rires.) Mais ici le Hip Hop il est partout, j’ai l’impression. En France il y a du graff même dans les forêts, le rap écrase toutes les musiques, les kids n’écoutent rien d’autre… Après t’aimes Jul ou PNL, ou aucun des deux, mais tout ça découle des exploits de Kool Herc, qu’on le veuille ou non. Moi j’écoute pas ça au quotidien. SiR, Anderson .Paak, Alchemist, c’est tous les jours que j’écoute. Outkast, je l’aurais fait gratos le docu, j’avais vraiment besoin de le faire. C’est du fan art, en fait.

Quelle place occupe Atlanta aujourd’hui dans le monde du Hip Hop ?
C’est le cœur du réacteur ! Là-bas les gens disent que c’est la nouvelle Motown. Avant d’y aller, je m’attendais à rencontrer des gens arrogants, trop contents d’écraser le game. J’avais peur de tomber sur une deuxième New York, en gros… En sortant de l’avion j’ai loué une voiture, allumé V-103 (la grosse station rap du coin)… et j’ai entendu Award Tour d’A Tribe Called Quest, à 20h. Ce titre, tu ne l’entendras plus jamais sur HOT 97 [ndlr : première radio new-yorkaise à avoir une émission Hip Hop] à 20h. J’ai eu l’impression qu’à ATL les gens aiment la culture plus qu’eux-mêmes. Tu sens que leur ville est plus importante qu’eux. Ils en sont très fiers, notamment parce que c’est une ville Noire, gérée par des Noirs et qu’elle prospère à fond. Appliquée au rap, cette dynamique est incroyable : tout le monde est prêt à partager un peu de sa lumière pour faire briller un petit. Là-bas, j’ai jamais entendu un rappeur en tailler un autre. Y’a bien sûr des embrouilles, mais j’ai vu personne rabaisser un gars pour paraître plus grand.

Comme le dit si bien l’un des interlocuteurs de Larry, « ce groupe [Outkast] a marqué l’histoire du Hip Hop ». Que penses-tu de la relève actuelle d’Atlanta ou d’ailleurs ?
Je pense qu’ils ont ouvert la voie pour tous les Mos Def, les Kid Cudi et les Kanye, tous les rappeurs un peu différents ont une dette envers Andre et Big Boi… Quand tu vois Donald Glover qui rappe, qui chante, qui fait du stand-up, qui écrit et conduit une série comme Atlanta, la meilleure série que t’as jamais vue sur l’univers du rap, tu te dis que la relève est dingue.

Masta Ace qui interprète Rap God dans Lost In Traplanta
Masta Ace qui interprète Rap God dans Lost In Traplanta

On sait que tu aimes énormément le rap, mais est-ce que tu t’intéresses aussi à d’autres disciplines comme le graffiti, la danse ou encore le DJing ? Si oui, quels sont les artistes que tu aimes ? J’ai graffé au lycée ! J’étais nul de ouf, mais on s’est beaucoup amusé, beaucoup de courses-poursuites… Mais les platines, c’est plus mon truc, oui. J’adore voir les producteurs mixer, vu que ce sont souvent des très bons DJ’s aussi. Q-Tip a fait le meilleur mix que j’ai vu de ma vie, en jouant que du funk et du disco au défunt Love Club à New York. Tous les jours, je regarde les petits mixes de DJ Sebb, aka Sebb Bash sur Instagram : tu vois Alchemist et Preemo qui posent des flammes dans les commentaires, il est très très fort ! C’est lui qui fait des scratches sur B-boy Document de High & Mighty (feat. Mos Def & Mad Skillz) et a produit le beat du sketch du Chapelle Show où il joue Fisticuffs. D’ailleurs c’est lui qui fait le générique de Traplanta. Si je devais faire une dernière grande soirée avant la fin du monde, je bookerais Q-Tip, DJ Spinna, Sebb Bash, Prince Paul et DJ Craze… Et DJ Revolution ! Et Jazzy Jeff… Ok, j’arrête!

Chez T-Rex Magazine, on a l’habitude de demander un Top 5 aux personnes que l’on interroge. Quel est ton top 5 des réalisateurs ?
Pour les clips, je dirais John Landis (Thriller !), Michel Gondry pour sa créativité, Spike Jonze pareil (Drop de The Pharcyde), une meuf appelée Diane Martel qui a fait les clips les plus vénères de Method Man (Bring the Pain, All I Need) et mention spéciale à Dan « The Man » Melamid, un petit génie qui s’était distingué au milieu des années 2000 avec le visuel d’Alchemist pour Prodigy (cf. Mac Ten Handle). Il avait inventé plein d’effets, notamment le « ghetto matrix », qui en jetait pour pas un rond (cf. The life).
Pour les films, si je devais ne garder que 5 intégrales, je prendrais John Ford (plus de 120 films ahah !), Howard Hawks, Billy Wilder, Tony Scott et Martin Scorsese.

Quels sont tes projets futurs ?
Je bosse sur Lost in California (la suite de Lost in Traplanta) et je viens de signer un développement pour mon premier long-métrage Jacques Martien, une comédie policière genre Le Grand Blond à la Mort aux Trousses… Et j’ai commencé le stand-up, deux mois avant la pandémie. Quel timing.

Le stand-up ? Donc réalisateur et acteur, tu vas pouvoir te mettre en scène ? Pourquoi cette envie de stand-up ? C’est l’influence de Kody Kim ?
Presque ! Quand on tournait, il m’a proposé de lui écrire des jokes pour son prochain spectacle : ça m’a bien plu et j’ai vu que j’en étais capable, du coup ça m’a décoincé là-dessus. Mais ça fait 20 ans que je digge à fond le stand-up des 70’s et des 80’s, de Richard Pryor, Steven Wright… Le vrai déclic, c’était y’a 4-5 ans, quand j’ai vu Louis CK au Comedy Cellar. C’était tellement génial, j’étais tellement heureux, dans chaque cellule de mon corps, que j’ai compris que j’étais à côté de mes pompes depuis des années. Que la comédie c’est mon truc, peu importe le format.

Un mot de la fin ? Une dédicace ?
Une dédicace à Sara Brücker, ma productrice En plus d’être forte dans son taf, elle a une vraie culture Hip Hop, un vrai appétit pour ces choses-là, et on s’est bien amusés en construisant le projet. Avec le recul, je vois vraiment pas qui d’autre aurait pu vendre un truc aussi dingo, et le faire exister. Donc big up à elle !


Lost In Traplanta : le trailer

La série Lost In Traplanta, avec Kody Kim et Masta Ace, comporte dix épisodes de 8 min chacun et disponibles sur ARTE.