Mzelle Paisley, actrice active de la culture Hip Hop, est danseuse professionnelle, créatrice de spectacles, entrepreneuse, directrice artistique et chorégraphe. À travers toutes ces facettes de sa personnalité d’artiste, elle porte aussi l’envie de montrer l’évolution de la place des femmes au sein de la danse Hip Hop et de parler de ses différents engagements par le biais de sa danse et de ses chorégraphies.

Bonjour ! Peux-tu te présenter en quelques mots ? As-tu un pseudo ?
Je suis Séverine Paisley, j’ai 37 ans. Je me définis comme artiste chorégraphique, entrepreneuse, féministe et maman d’un fils de 8 ans. Je suis originaire de Sarcelles, et je vis à Bagneux depuis maintenant 12 ans. Ça fait plus de 20 ans que je vis essentiellement de mon art. Actuellement je prépare un Master dans le but de créer une entreprise dans le secteur environnemental et je continue à travailler dans l’art. Pour ma communication, sur les réseaux sociaux notamment, je me fais appeler MZLLE PAISLEY

Quel a été ton premier contact avec la culture Hip Hop?
Mon premier contact avec la culture Hip Hop fût par le prisme de la danse. J’ai commencé à danser à Sarcelles à l’âge de 15 ans ! Grâce à la danse, naturellement je me suis connectée au rap et à la mode, puis au graffiti.

Qu’est-ce que représentait le Hip Hop pour toi à l’époque ? Et que représente-t-il aujourd’hui ?
Dans les années 90, la découverte du Hip Hop fût une émancipation pour moi, la création d’une famille hors de ma famille de sang, la découverte de soi et de la créativité pour une jeune fille assez timide comme moi. Sur scène, je découvrais la liberté. J’ai eu la chance de connaître l’époque des Halles où nous pouvions danser à la fermeture des magasins, une époque fantastique marquée de rencontres, de battles et d’apprentissage de techniques.

Mzlle Paisley TUC Hip Hop Danse
Mzlle Paisley / photo © JM

Qu’est ce qui t’as amenée à la danse Hip Hop ? 
Le hasard ! La danse était déjà dans ma vie. À l’époque je faisais de la danse modern jazz dans une MJC et un jour ma mère tardant à venir me chercher, je suis restée pour regarder le cours d’après, c’était un cours de hype… ça a été un vrai coup de foudre, comme ton premier grand amour. Aujourd’hui, ça fait 20 ans que j’ai rencontré la culture Hip Hop, dont 15 ans de professionnalisation.

Quand as-tu pris conscience que ta passion pour la danse Hip Hop pourrait devenir un métier ?
Quand j’ai compris que c’était indispensable à mon équilibre de vie. Pour l’anecdote j’avais 16 ans, à l’époque le créateur de vêtements Mohammed Dia, originaire de Sarcelles, proposa à mon groupe de faire un show aux Bains Douches pour sa marque. C’est à ce moment là que je me suis dit que je pouvais peut-être en vivre.

« Qu’on le veuille ou non, la culture Hip Hop devient mainstream. […] cette évolution démontre toute la qualité de notre culture. »

Quelles sont les difficultés ou les facilités rencontrées pour mener à bien ta professionnalisation ?
Assez vite, j’ai compris que si je voulais vivre de ma passion, il fallait augmenter mes compétences techniques mais aussi marketing. Grâce à ça j’ai pu travailler, avec des périodes fastes et d’autres moins bonnes.

Quels sont les danseurs/danseuses qui t’ont inspirée et influencée ? (nationaux et ou internationaux)
Max Laure Bourjolly, Claise M’passi, Joseph Go, Bruce Ykanji, Storm pour la technique, Frank II Louise, Sébastien Lefrançois et la compagnie Trafic 2 Styles pour leurs rôles de chorégraphes.

Quel est ton style de prédilection ? Et pourquoi ?
Je me suis spécialisée d’abord en newstyle (qu’on appelle Hip Hop aujourd’hui) puis en popping mais je ne me suis pas réellement posé la question du pourquoi, ces deux styles m’ont simplement parlé.

Après avoir été danseuse, qu’est-ce qui t’as donné envie de devenir chorégraphe et de créer tes spectacles ?
Très rapidement j’ai senti que la transmission et les battles ne suffisaient pas. La création chorégraphique m’a permis de raconter, de dénoncer et de rêver.

Quelles sont les influences ou les thématiques principales de tes chorégraphies ?
Mes créations se nourrissent généralement de mon quotidien, de ce qui m’entoure, les arts graphiques, la politique, les discriminations.

Il y a de plus en plus de battles de danse Hip Hop, depuis une dizaine d’années on a l’impression que chaque ville de France « veut » son battle de danse, comment vis-tu cet engouement autour des danses Hip Hop ?
Ce qui compte pour moi, c’est de créer de l’émulation, une fois cette étape passée, il faut penser « qualitatif » afin d’être pris au sérieux par les partenaires institutionnels, ce qui manque parfois à notre culture.

Tiens d’ailleurs, on dit « UN battle » ou « UNE battle » ? (rires)
UN battle !

Autrefois cantonnée à la rue, la danse Hip Hop est maintenant omniprésente : accueillie dans les conservatoires, l’Opéra lui ouvre ses portes et les TND l’ont intégré dans leur programmation. Avec le recul aurais-tu imaginé une telle évolution ? Et qu’en penses-tu ? N’as-tu pas peur que la danse Hip Hop s’enferme à l’avenir dans un certain académisme et perde de sa « spontanéité créative » ?
Qu’on le veuille ou non, la culture Hip Hop devient mainstream. Mon opinion, c’est que cette évolution démontre toute la qualité de notre culture. Il est vrai qu’elle subit une instrumentalisation, qu’elle devient une superbe arme marketing, lui enlevant ainsi toute son essence première. En revanche, il y aura toujours des « gardiens du temple » (par exemple dans l’underground) qui sont très importants pour maintenir le savoir, primordial pour développer sa créativité. Aujourd’hui l’underground et le Hip Hop mainstream sont liés.

À l’origine le Hip Hop c’était 4 disciplines artistiques, maintenant elles sont autonomes les unes des autres, que penses-tu de cette séparation ?
De manière culturelle en France, le multi-potentiel est perçu comme de l’instabilité, c’est donc naturellement que les 4 disciplines se sont séparées. Aujourd’hui dans la danse, il y a un retour vers la combinaison des disciplines et j’aime cette idée d’être multiple. À titre d’exemple, pour ma part, j’ai développé un concept de stage de danse qui s’intitule The Journey, cet atelier allie apprentissage de la musique et de la danse dans le même espace.

Est-ce que tu t’intéresses aux autres disciplines telles que le graffiti, le beatbox ou le DJing ? Quels sont les artistes dont tu suis l’actualité ?
Je suis connectée au DJing et dans la quasi-totalité de mes projets, la musique live a sa place. Après, le graffiti est un plaisir personnel, j’aime me promener, voir des murs et aller dans des galeries.

Qu’est-ce que tu penses de l’entrée de la danse Hip Hop aux Jeux Olympiques de 2024 ?
À ma connaissance ce n’est que le breakdance et non toutes les danses Hip Hop.
Je vais répondre ceci : quand tu sais que la marque Redbull a infiltré le breakdance, l’entrée aux J.O. c’est une continuité logique.

« Entrepreneuse Hip Hop pour moi, c’est développer son activité économique autour de la culture Hip Hop et la faire rayonner. »

En tant que spectatrice, quel est le spectacle de danse qui t’as le plus surpris ou émerveillé ?
Deux spectacles m’ont conforté dans mon intention de devenir chorégraphe : Drop it ! de Frank II Louise pour le coté innovant à l’époque de sa création (ndlr : 2007) et Le Poids Du Ciel de la Compagnie Trafic de Styles, pour l’imaginaire et la fusion des arts du cirque et de la danse Hip Hop.

Et ton plus beau souvenir sur scène en tant que danseuse ?
C’est mon premier solo, Liées, dont la thématique était la mémoire.

Peux-tu nous parler de ta structure T.U.C. (Territoire Urbain Créatif) ? Comment en as-tu eu l’idée ? Et quel est ton rôle ?
T.U.C. est une association qui permet de mener mes projets danses, musiques, documentaires et soirées en France et à l’étranger. J’en suis la directrice artistique. Pour moi créer une association fût assez naturel afin de communiquer avec les institutions, obtenir des subventions et avoir une stature professionnelle.

Qu’est-ce que tu entends par « entrepreneuse Hip Hop » ? Est-ce qu’il y a une différence avec entreprendre « tout court » ?
Entrepreneuse Hip Hop pour moi, c’est développer son activité économique autour de la culture Hip Hop et la faire rayonner.

Est-ce que cela a été difficile d’être une femme dans ce milieu ? Trouves-tu que les femmes manquent de visibilité au sein de la danse Hip Hop ?
De fait nous sommes dans une société patriarcale, dire que cela n’a pas touché le cercle Hip Hop, c’est avoir des œillères ou ne pas être conscient du mécanisme patriarcal. Dans mon quotidien d’artiste-entrepreneuse, je suis confrontée au sexisme et au racisme ordinaire. On attend souvent qu’une femme soit douce, qu’elle réponde favorablement aux demandes, qu’elle ne négocie pas les salaires avec force, qu’elle n’élève pas la voix. Toutes ces attentes sociétales j’ai choisi de ne pas les honorer, elles ont semé des embûches sur mon parcours mais ne m’ont jamais empêché d’avancer. Je n’en tire aucune satisfaction car de base, je ne devrais pas avoir à lutter pour atteindre mes objectifs. Alors oui, il y a une vraie réflexion à apporter sur la visibilité des femmes par les femmes.

Pour revenir sur ton travail, j’ai lu que tu organisais des ateliers « parentalité autour de la danse » ? En quoi ça consiste exactement ?
Ce projet a été proposé lors du festival Kalypso à Bagneux en 2019 pour lequel j’ai eu l’idée d’un atelier parents-enfants autour de la danse Hip Hop. En filigrane, l’idée était de créer une parenthèse dans un quotidien chronophage pour se reconnecter avec ses enfants. Pendant l’atelier il y a un DJ qui m’accompagne.

Quelles sont les qualités requises selon toi pour être un bon danseur/une bonne danseuse ?
Être curieux ! Travailler sa technique, travailler une stratégie professionnelle et être passionné(e).

Quel serait ton premier conseil pour un(e) danseur/danseuse débutant(e) ?
Voyage et définis tes objectifs.

Comment imagines-tu l’évolution de la danse Hip Hop dans 20 ou 30 ans ? Et toi, si tu te projetais dans une vingtaine d’année ?
Dans 20 ans j’espère que nous aurons des espaces du même acabit que le Théâtre de la Ville et en ce qui me concerne j’aurais presque la soixantaine, je me vois travailler dans la culture, à la programmation ou à la direction d’un lieu artistique.

Est-ce que tu as une autre passion que la danse ?
La littérature afro-américaine et caribéenne et la musique. J’apprends aussi à mixer et à composer de la musique.

Quels sont tes trois meilleurs sons Hip Hop pour danser ?
Toute les musiques (rires) !

Et ton top 3 des battles ?
Le Summer Dance Forever, le NBA Talents et le Beatdance Contest.

Peux–tu nous parler de tes futurs projets ?
En septembre 2020 , je vais travailler sur deux projets à Bagneux : une déambulation avec des parents et des enfants dans le cadre d’un festival dans la ville et une création qui rassemble danse contemporaine et danse Hip Hop. Et puis je vais continuer à développerThe Journey, mon concept d’atelier commun entre danse et musique.

Ton mot de la fin?
Merci de m’avoir interviewée pour mettre en lumière mon travail et longue vie à T- REX MAGAZINE ! Vive la culture Hip Hop !


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