Bonjour PSYKO86, peux-tu te présenter ?
Je suis originaire d’Amiens dans la Somme, issu d’un milieu artistique du côté de mon père musicien et co-fondateur de plusieurs groupes plus ou moins connus. Très jeune à l’époque, j’étais la mascotte, présent à toutes les répétitions et concerts, je montais sur scène pour faire de la batterie et j’étais l’attraction du début des prestations. Mais suite à un problème d’audition j’ai dû arrêter la musique avant même de savoir écrire, je me suis alors reporté sur le dessin.
Dès l’enfance tu étais passionné de dessin et de calligraphie. Comment et à quel âge t’es-tu spécialisé dans le graffiti ?
Grâce à mon père, car sans être graffeur, c’est lui qui m’a initié par le biais de ses signatures qui représentaient des personnages caricaturés en tracé direct, une espèce de “hand style” à sa manière. Puis à l’école primaire, je me souviens d’avoir souvent regardé le cahier de ma voisine. Sa calligraphie était parfaite et appliquée, je m’efforçais de faire mieux qu’elle et de développer mon propre style de calligraphie. Je pense que c’est à ce moment-là que je me suis intéressé à la lettre, à la typo et tout ce qui l’entoure. Mais c’est au début du lycée que je me suis spécialisé sur mur avec l’aide de Lust, Tasmo, et Vlad du crew 3XP, c’est avec eux que j’ai réalisé mes premières pièces entre 2000 et 2001.
Tu as également fait une école d’artiste de bande dessinée. Cela t’a servi à affiner ton style de graffeur ou est-ce une discipline que tu développes en parallèle ?
Oui cela m’a permis de faire évoluer mon style de façon exponentielle car mis à part les cours de BD, il y avait aussi de la photographie argentique où tu apprends à développer toi même tes pellicules et photographies, des cours de couleurs, de modèles vivants, de gravures sur lino ou sur zinc, cela m’a permit d’apprendre de nouvelles techniques et supports, de découvrir les proportions du corps humain pour mieux jouer avec, les jeux de lumières, les cadrages pour occuper l’espace de façon optimale et équilibrée. Mais c’est un métier très difficile où tu passes des heures à dessiner tel un geek devant son PC, sans interaction avec le monde extérieur, ou peu. Ça m’a un peu dégouté du milieu mais j’ai quand même un projet de BD, pour l’instant c’est top secret et encore un peu flou.
Ta marque de fabrique : des personnages aux allures inquiétantes. D’où te vient ce style « torturé » ?
Petit déjà je circulais dans les milieux nocturnes où se mêlaient alcool, violence et musique quand les autres gamins jouaient à chat. Ce qui m’a permis de mûrir différemment et plus vite que les enfants de mon âge, de voir le monde sous un autre angle que moi je considérais comme un code de vie “normal”, même si ce n’était pas le cas. Puis au lycée, à cause des bagarres répétées, des allers-retours au poste de police et autres délires, on m’a attribué le surnom de Psyko, blase que j’ai gardé jusqu’à aujourd’hui. Mes personnages viennent de ma façon de penser et de mon ressenti sur la vie par rapport à mon vécu, pour moi la vie c’est pas tout beau tout rose et le Père Noël ne passe pas dans toutes les chaumières, il est violent et malsain. À travers mes personnages je canalise, retranscris et libère cette énergie négative. C’est aussi un exutoire pour canaliser ma propre énergie négative et me maintenir comme un être civilisé et non une bête assoiffée de bagarres.
Tu utilises le graffiti à travers différentes techniques : sculpture, pyrogravure, tatouage et sur différents supports, peux-tu nous expliquer ?
Je suis toujours à la recherche de nouvelles techniques et supports, j’ai 15000 idées qui se bousculent dans la tête tous les jours, que ce soit de la sculpture sur bois, de la pyrogravure, gravure, design de meubles, je cherche toujours à allier la culture graff Hip Hop avec ces différents supports. Au début, j’étais focalisé sur le mur, mais je me suis rendu compte qu’il y avait d’autres pratiques pour mettre en valeur cette culture de la rue. Comme le body painting, en associant le corps, le graff et la photographie; la pyrogravure, pour casser un peu les codes; la soudure sur verre ou sur métal afin de mélanger street art et objets du quotidien…et j’en passe.
Tu es donc toujours à la recherche de nouvelles techniques artistiques. Es-tu sur un nouveau projet ?
Sur plusieurs. Une série de lampes design avec des crânes d’animaux et des cristaux, plusieurs pyrogravures sur vieilles tables massives de corps-de-ferme, mais le plus gros, c’est sans doute un trône sculpté dans une souche creuse représentant un poulpe et utilisant tout l’attirail du parfait graffeur avec un lettering sculpté et pyrogravé. Un trône pour une série qui pourrait s’appeler Games of Graff quoi.
Tu es le cofondateur du collectif DS2. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Le D2S, pour « Dealeurs De Sprays », c’est avant tout symbolique de la connexion entre moi et mon binôme belge Famer. Il est la première personne que j’ai rencontré en Belgique, on a tout de suite accroché, on était tout les deux passionnés de graff et de Hip Hop. À l’époque, je devais faire quelques covers pour des MC’s et il m’a présenté du monde dans ce milieu, j’ai découvert le Hip Hop belge et j’ai kiffé. Au début, il venait me voir peindre sur les terrains et je lui expliquais mes techniques, les caps, etc… Puis il s’est mis sur mur avec moi, c’est à ce moment qu’on a créé le D2S. Aujourd’hui il se perfectionne dans le tatoo, technique que je ne maîtrise pas encore, mais j’aime savoir qu’il y a un domaine où il excelle par rapport à moi, l’élève dépasse le maître.
Organises-tu des ateliers de graffiti pour ceux qui voudrait se perfectionner, s’initier ou pour les enfants ?
Cela m’arrive, mais en général on est plusieurs, moi je m’occupe surtout de la partie technique pendant que mes collègues s’occupent de la partie pédagogique. Bien sûr on peut poser des questions mais pour moi la meilleur technique d’apprentissage c’est l’observation, autant te dire que je suis plus efficace en petit groupe pour l’apprentissage même si j’ai déjà encadré 80 personnes en une seule séance.
Vis-tu de ton art ?
On peut dire que ça commence à porter ses fruits malgré mon style assez trash. Mon seul souci c’est que je m’éparpille trop, je dis oui à presque tous les projets et de ce fait j’ai pris un an de retard sur des commandes de toiles et autres sculptures pyrogravées. Aujourd’hui je suis obligé de refuser certains projets par manque de temps ou d’organisation.
As-tu d’autres passions en dehors du graffiti ?
La bière belge et la collection d’objets insolites, ma femme et mes amis, sans oublier la famille même si je ne suis pas souvent présent.
Que penses-tu de la nouvelle génération Hip Hop? Toutes disciplines confondues ou dans le graffiti.
Je trouve qu’il y a des trucs qui partent en couille. Soit je suis trop old school, soit cette génération fait de la merde, sans passion, sans être humble, juste pour le buzz. Ce côté commercial, je ne le supporte pas… Ils n’ont rien fait mais ils pensent être les meilleurs et au-dessus des autres, ils n’ont aucun recul. Heureusement il y en a qui se démarquent positivement et montrent que cette culture n’est pas morte mais en pleine mutation.
Tu te considères comme un graffeur ou comme un artiste « street art » ? Quelle est la différence entre les deux selon toi ?
Aujourd’hui je me considère plus comme un artiste street art car on me sollicite pour des décos intérieures ou extérieures, contrairement aux graffeurs qui décident d’eux-mêmes de peindre tel endroit, sans autorisations ni contraintes graphiques. On me paie pour exercer ma passion mais je suis obligé de suivre les quelques directives des mes clients, je ne suis pas libre à 100%. De plus, du fait que n’ayant aucune limite artistique, que ce soit dans les matériaux ou dans les techniques, ma seule barrière est souvent une question financière.
Mot de la fin ?
Kassded à tous mes boucs couillus, tous mes AOA gangsta, au GB krew, à ma mif belge, Famer, Lust, Fever, au poto Wozer, à ma poto K-YOô et à tous ceux que j’ai oublié mais vous êtes trop nombreux…Big up !
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