Simba Le Fonkicker est un rappeur basé à Rennes. Old timer mais toujours à l’affût des dernières techniques microphoniques, il développe un style unique à base de phases travaillées, d’un flow très rythmique et d’un sens de la punchline qui font de lui un artiste Hip Hop dans toute sa splendeur.

Bonjour Simba, peux-tu te présenter ?
Yeah ! Donc moi c’est Simba Le Fonkicker. J’insiste bien sur Le Fonkicker parce qu’aujourd’hui des « Simba » il y en a plein mais des « Simba Le Fonkicker », il y en a qu’un ! Donc pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis un artiste Hip Hop, old timer, basé sur Rennes, je suis membre des collectifs Panel Large et Groove Control et je traverse les époques comme Samuel Beckett, hé hé !

Explique-nous ton arrivée dans le Hip Hop, à quel âge ?
Alors comme beaucoup d’anciens, j’ai commencé par la danse. Le smurf plus précisément, avant d’évoluer vers la hype. C’était au milieu des années 80, en découvrant l’émission H.I.P. H.O.P. présentée par le légendaire Sidney et qui passait tous les dimanches après-midi sur TF1. Ce truc a changé ma vie bordel ! J’avais 11 ans à l’époque… Ouais je sais, ça fait de moi un dinosaure, mais la passion efface le temps qui passe comme on dit. À l’époque, je dansais pour un groupe qui s’appelait RAP.AS Production. Notre plus grand fait d’arme est d’avoir participé à la compilation Nation Rap, un projet Island Records porté par Sidney et David Guetta (et ouais!) en 1990. On a pu briller aux côté de D.Abuz Sytem, Soul Swing & Radical et Poupa Claudio pour les plus connus. C’était une autre époque…

Tu as crée avec Doc Brrown le groupe Panel Large, un collectif de quatre artistes, peux-tu nous en parler ?
Ouais à la base, Panel Large c’était Gold MC, Chryseph, Doc Brrown et moi-même. On a fait quelques scènes ensemble avant que Chryseph et Gold MC ne partent sur Paname… Il y avait une vraie énergie, un vrai délire rap et kickage ! On nous comparaît souvent au Saïan d’ailleurs… Quel compliment, hé hé ! Aujourd’hui, on va dire que Doc Brrown et moi continuons à faire vivre le truc à travers les scènes, les freestyles et différentes actualités. Le frérot Chryseph est encore là en tant que beatmaker mais on a tous nos routes à tracer en solo. Après il n’est pas interdit de croire qu’il y aura un jour un projet Panel Large. On en discute souvent et c’est une ambition. Avec Doc Brrown, on fait aussi parti du Groove Control, un collectif de 8 artistes, DJ’s, rappeurs, danseurs et beatboxers. Un truc fou à souhait où (presque) toutes les disciplines du Hip Hop sont représentées. C’est plus une formation calibrée pour la scène mais on est en réflexion sur la conception d’un EP donc, affaire à suivre…  On a pas mal de dates en 2020 donc faut venir nous check quand on passe près de chez vous !


Simba le Fonkicker

« On veut développer et produire le talent rennais (…) Mais on ne se contentera pas travailler qu’avec des artistes du milieu rap. Il y a tellement à faire ici ! »

Je sais aussi que tu as ton label Fonkick Muzik Entrepriz. J’aimerais savoir combien d’artistes tu produis au sein de cette structure et qui sont-ils ? 
Oui Fonkick Muzik est un label que j’ai crée il y a 15 ans déjà. À la base c’était juste pour mes projets, histoire de faciliter les démarches administratives. J’étais tout seul à mener le truc donc ce n’était pas super simple à gérer, mais c’est comme ça que tu apprends. Aujourd’hui il y a un vrai bureau, une team efficace et ça me permet de ne me concentrer que sur l’artistique. En plus de moi comme artiste, on peut citer Groove Control et A.P.L., Nobass LeagueMcee pour le pôle beatmaking. Je suis d’autres artistes mais il n’y a rien d’officiel pour le moment. Et puis on n’a pas non plus envie d’avoir 50 000 artistes sur le label. On n’est pas Def Jam France ! Évidemment, le but de Fonkick Muzik est de pouvoir développer et produire le talent rennais dans un premier temps. Mais on ne se contentera pas travailler qu’avec des artistes du milieu rap. Il y a tellement à faire ici !

Collectif Groove Control
Collectif Groove Control

Parles-nous de ton dernier album Transmissions Sauvages ?
Transmissions Sauvages est mon dernier essai grand format et date de 2017. Il est sorti en distribution chez Keyzit Records, une boîte de la banlieue parisienne. C’est eux qui ont réalisé le cover de l’album. Au départ on l’avait fait nous-mêmes mais ils trouvaient que ce n’était pas « vendeur » ! Musicalement, je voulais vraiment renouer avec l’esprit Hip Hop à l’ancienne, les samples, les scratches, un flow compact, même si je savais que ce n’était pas dans l’air du temps. Sur la fin, l’album s’ouvrait à des sonorités et une écriture plus « nouvelle école ». J’étais déjà en réflexion sur la mutation de mon rap. J’ai pas été super emballé par le taff de Keyzit à qui j’avais aussi légué la communication autour du projet. Mais bon, on apprend à chaque étape de la vie. A la prod., il y a eu Nobass Leaguemcee, Oby Marf, Rezo, Jimmy Jay, Arm, Soop, Marrrtin, et Juliani, entre autres. Après je pense que je n’étais pas tout à fait prêt niveau codes de la « nouvelle école », j’ai fait quelques erreurs mais dans l’ensemble, je trouve que c’est un excellent album, peut être le meilleur que j’ai fait… jusqu’au prochain (rires). À la sortie de mes nouveaux projets, les gens reviendront automatiquement et ils se rendront compte de la complexité du projet. C’est le genre d’album que tu peux réécouter dans 10 ou 20 ans et te dire qu’il n’a pas pris une ride ! Je parle bien sûr pour les anciens, ceux qui kiffent le boom bap, mes B-boys !


Simba Le Fonkicker

« Les cainris ils sont trop bouillants ! C’est une autre culture, une autre approche de la musique et évidemment, une autre source d’inspiration. »

Je sais que tu résides à Rennes, est-ce que le fait de vivre en Province, loin de la capitale, est un handicap ou internet te permet de communiquer suffisamment?
Ah ça a été un putain de handicap, pendant tellement longtemps ! Non seulement parce que j’étais en Province mais surtout parce que je venais de Bretagne ! Les bretons, la campagne, les vaches et tous les clichés débiles ! Mais en vrai, sur scène ou en radio, ils reconnaissaient le level et c’était nos petites victoires à nous. Une choses est sûre, internet a clairement changé la donne. Aujourd’hui, il n’y a plus de frontières, plus besoin de chercher à être signé, on fait marcher notre propre business ! Le rap s’est démocratisé, tout a été récupéré. Tu peux exister partout !

As-tu une autre passion que la musique dans ta vie ? Si oui laquelle ?
De ouf ! Le foot, à fond ! J’aurais pu être pro mais les ligaments, tu connais, ha ha ha ! Non je rigole mais ouais, le foot, le Stade Rennais, le Real, Kamavinga, Pogba, Ngolo, Mbappé, Benzema, l’équipe de France. La musique populaire va avec le sport populaire de toute façon.

Depuis son arrivé en France, beaucoup pensent que le rap n’est pas une musique que l’on peut prendre au sérieux, qu’elle n’a pour contenu qu’argent, insulte, égocentrisme, misogynie… Qu’en penses-tu ?
Azy on s’en branle en vrai ! Le rap est la musique la plus écoutée et la plus vendue donc qu’est-ce que tu veux ? Les gens qui disent ça ont juste le seum puissance mille. Perso, je pense que le rap a fait ses preuves depuis longtemps déjà et ceux qui disent que le rap c’est que de l’argent, des insultes, etc. n’y connaissent rien ! Ils sont victimes de la mode comme disait MC Solaar. Il y a tellement de raps différents. Et puis aujourd’hui, le rap c’est quoi en vrai ? La pop urbaine n’est pas forcement du rap. Il y a toujours eu un truc autour de cette musique de toute façon, ça ne date pas d’aujourd’hui. Moi perso je vis bien le truc en tout cas, je sais que s’ils écoutent Simba Le Fonkicker, ils n’auront aucune cartouche pour leur gun en plastique !

As-tu un nouvel album en préparation ? Gardes-tu la même direction artistique ?
Ouais je suis sur un double EP qui va s’appeler E.T. (pour Ego Trip) et qui prépare à un album avec Jimmy Jay. A l’heure où je te réponds, je ne peux pas t’annoncer de date mais un single est sorti en Janvier. La direction artistique a changé puisqu’il faut faire sa place. Tout sera résolument plus moderne, des prods jusqu’à l’écriture, mais ce sera toujours du Simba Le Fonkicker dans le fond. Mon challenge est de faire plaisir à ceux qui m’ont toujours soutenu et bien sûr, m’ouvrir à la nouvelle génération. C’est super excitant comme challenge et en même temps la prise de risque est réelle. Essayer de s’inscrire en chaînon manquant entre les deux écoles parce que quand t’as capté le truc, tu t’aperçois qu’il y a énormément de choses à exploiter. Il y a des ingrédients de l’ancienne école à remettre au goût du jour et c’est ça qui est lourd je trouve ! Pour moi, la musique a toujours été une science. La science de l’Art ! Il faut l’étudier, la comprendre, capter son impact et ses codes. 

« Le rap est aussi à l’image d’une société et forcément, aujourd’hui, les paramètres ne sont plus les mêmes qu’il y a 20 ans. »

Peux-tu nous donner ton top 5 d’artistes français et américains ?
Alors là c’est chaud en vrai, c’est un exercice très compliqué pour moi vu mon ancienneté dans le truc. Du coup, je ne parlerai que des artistes actuels parce que sinon la liste est trop longue si je dois remonter dans le temps. En rap français, c’est difficile parce que j’en écoute pas beaucoup mais mon top 5 serait Alpha Wann, Lefa, Nekfeu, j’aime bien Dosseh aussi et Dinos. Par contre, niveau cainri c’est un autre délire ! J’écoute pratiquement que ça et les ambiances sont tellement différentes. En regardant vite fait dans ce que j’ai dans mon phone, je peux te dire que ça va du Offset à Conway en passant par du J.Cole, J.I.D., Freddie Gibbs, Schoolboy Q, A$ap Ferg… Non, merde, les cainris ils sont trop bouillants ! C’est une autre culture, une autre approche de la musique et évidemment, une autre source d’inspiration.

Quel est ton avis sur la nouvelle génération du rap français ?
Tu sais ça a été très dur pour moi de m’ouvrir à la nouvelle école, je ne le cache pas. On était carrément dans un inversement de valeurs au départ avec l’émergence de la trap et tout ça. Du coup, pour un ancien comme moi, il a fallu remettre pas mal de choses en question. Heureusement, comme tout, les choses évoluent et avec le temps, ça s’est ouvert. Des gars comme J.Cole ou Kendrick Lamar (j’ai oublié de le citer tout à l’heure d’ailleurs) par exemple ont ramené le kickage dans la nouvelle tendance, mais aussi du fond et de la profondeur et j’ai petit à petit commencé à m’y reconnaître et apprécier le truc. Après, c’est clair que tout ce qui reste en surface, le trop mainstream, ne me parle pas tout le temps mais je pense que c’est à nous les anciens de faire évoluer cette musique tout en gardant notre identité. Techniquement, c’est une autre façon de travailler, d’écrire mais c’est très intéressant. Après c’est mon point de vue, ce que je dis n’engage que moi mais ouais, y a vraiment quelque chose à faire pour les gars qui sont à l’ancienne. Et puis, le rap c’est aussi à l’image d’une société et forcément, aujourd’hui, les paramètres ne sont plus les mêmes qu’il y a 20 ans.

SIMBA LE FONKICKER – MON UNIVERS (extrait de l’album “TRANSMISSIONS SAUVAGES” )

As-tu des conseils pour la nouvelle génération de rappeurs ?
En vrai non, les gamins ils sont vifs maintenant, ils savent ce qu’ils veulent et je n’ai pas envie de passer pour un vieux con avec mes valeurs d’une autre époque ! (rires)

Un mot de la fin ?
Yes! Ben déjà merci pour l’invitation Specta, gros big up à toi parce que je pense qu’il est important que les gens sachent à quel point t’es engagé dans la cause Hip Hop ! C’est réel, t’es un vrai activiste. Quand tu veux pour une collab’ d’ailleurs, hé hé ! Longue vie au T-REX et checkez mon taff si vous ne l’avez pas encore fait ! E.T. est dans ce putain de building ! Vous avez capté ou bien ? Peace !



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