3 Points
Année : 2020
Format : album 12 titres
Production : Furio, Kindred, Many the Dog, Hase, Mononome
Featurings : Akye, Juan Rey, Skalpel

La « Sombritude »…Tu connais ?! Ben tu vas connaître !
Espère pas bouncer sur ce projet. Ou alors un bounce neuronal.

Je te parle de l’album réunissant Sitou Koudadjé (Dangereux Dinosaures, RAO Staff), Kaiman Lanimal (Underground Conspiration) et Mod Efok (Légitime Déviance) : 3 Points.

Ici c’est hardcore pour de vrai, des prods aux lyrics.
On parle pas de kilos, ni d’armes à feu pour impressionner la galerie.
On parle simple, universel, et personnel. Et si ça devait parler arme, ça serait dirigé contre l’État qui essaie de nous mettre « trois bullets dans la tête…3 Points »…

C’est du putain de rap « Pro(-Pas Dé-) létaire » ! Rap d’insurgés, de « micros jaunes » !
L’intelligence et la lutte de ceux d’en bas. Le fameux terme aux sonorités de «médoc »  dont je vous parle souvent : le ProloRap.
Dénoncer les rouages de l’état dans le plus pur classicisme.

Ce qui change ? Cette équation rapologique.
Kaiman…On se connaît depuis tellement de temps, Sitou, depuis un peu moins mais presque autant, ok… Depuis qu’ils se sont croisés à l’émission LEQUIPEDENUIT (oui, encore !), ceux là, ils arrêtent pas de « feater »…

Le dernier, Mod Efok, je le connaissais moins. J’ai croisé son nom ici et là dans des projets souvent alternatifs, comme on dit. Sur les albums de « militants ». Je mets entre guillemet l’appellation vu qu’elle est parfois galvaudée.
Par contre il était déjà présent, tout comme Sitou d’ailleurs, sur le très bon Ecrire, Raturer, le précédent projet de Kaiman Lanimal, en feat. sur le titre Spartacus.

Le plus surprenant, c’est que ces trois ne se connaissent pas depuis si longtemps que ça et pourtant, on dirait l’œuvre d’un groupe.

Tout à la même tonalité, pas un plus que l’autre n’a sa voix qui s’élève au-delà de celle des autres, pour diriger ou contrôler l’équipe. Les voix s’enchaînent parfois sans qu’on s’en rende compte dans la seconde. On partage les positions dans les morceaux, on varie les combinaisons. Rien n’est forcé tout est logique. Y’a donc du taff !

Rien que l’intro, qui, comme il se doit, donne le ton : l’intro est un morceau !
L’annonce est claire : ATTENTION LYRICISTES !

Le piano pleure, le beat accompagne la souffrance des textes. Piano, beat, textes… 3 Points.
Trois rappeurs qui mettent les points sur les « i ». L’album aurait pu s’appeler Milles Points, vu le nombre de points sur les « i » mis dans ce projet, si ce n’était cette dédicace au basket-ball.

Dès le deuxième track on envoie la fierté et l’honneur, et ce que c’est que d’être un « bonhomme avec des convictions » dans M’auront pas.

Les idées se mêlent dans les textes mais ces derniers gardent une ligne commune, un peu comme dans une de mes chroniques. Dictées par le sujet.
De toute façon comme dit précédemment, je ne chronique que les « amoureux du rap ». Les disciples, même égarés et les respectueux masqués, même si ce n’est pas le cas ici.

Ici, y’a de la technique macabre, des jeux de mots cyniques, mais y’a le fond et la forme. Toujours .
Le respect de l’Art n’est pas feint. Et puis pas peur de dire qu’on lit des livres. À l’ancienne, on est obligés de dire. « À l’ancienne comme ta reum » dit Mod Efok.

Les prods sont fournies par plusieurs beatmakers convaincus du genre « sombritude » (Kindred, Furyo, Many The Dog, Mononome, Hase), ce qui élargit un peu le projet musicalement tout en gardant la même vibe.

Il en sort une osmose atmosphérique « darkissime ». Tendance Infamous Mobb, toutes proportions gardées, pour que vous visualisiez ! L’éclectisme niveau prod. semble quand même avoir suivi le mode 3 Points. Une même vision, à partir d’angles de vues différents. Les instrumentaux, parfois rap dark, parfois jazzy dark, rap sur charley dark (t’as compris !?), sont tout de même très étudiés, avec un véritable univers, mais souvent dépouillés pour laisser la place aux MC’s.

Pour le reste, on laisse tourner avant de kicker, on laisse même couler une prod’ moulée dans un interlude. Big up pour cet hommage à l’histoire. On rappelle ici aux enfants qu’à la glorieuse époque du rap, l’interlude, ou le skit, était ce qui permettait de souffler entre les titres. D’installer une ambiance, d’écouter l’album comme on suit un film. Le temps de parcourir les différents volets de la pochette, photos et textes compris, par exemple. Il existe des interludes de légendes, en France comme dans le reste du monde. Et ça dit aussi, respire !

Respire, tu vas te reprendre du lyrics plein la gueule.
T’auras Sitou Koudadjé en mode lyrics sur route cabossée, s’entrechoquant mais retrouvant toujours leur place au final. Mod Efok avec ses mots mâchés et ses rimes qui se ressemblent niveau sonorité mais ne sont pas tout à fait la même rime. Un style existant et performant mais dans une voix qui lui est propre. Je place Kaiman au milieu, car l’âge jouant peut-être, il combine à peu près les deux ambiances, en découpant certains mots à la machette. Y’a du flow et même des exercices de style comme dans En attendant que ça pète.

En featuring on trouve Akye (Première Ligne), ainsi que Skalpel (ex-La Kbine désormais Première Ligne), et Juan Rey, un MC latino. 3…points.

Plus on avance sur le projet plus les gars se lâchent niveau flow.
Ils se lâchent même tout court, comme dans le skit de la piste 11 où ils « reconstituent » l’appel téléphonique de Mod Efok qui parle de faire un album à trois, et qui donc aurait été à l’origine de ce projet. Le reste des titres de ce 12 pistes (10 en tout, donc, plus un interlude et un skit) est sacrément cohérent avec le reste. Ceux-là se sont trouvés. En tous les cas dans ce style-là.

Si t’aimes pas le rap qui donne envie de réfléchir, avec un rictus, sourcils froncés, cerveau qui fume pour le décryptage des données, écoute pas. T’aurais raison de ressentir une gêne à l’écoute si tu t’attendais à tout autre chose. C’est d’un BPM lent, et lourd, ce qui peut refroidir au bout de quelques tracks ceux qui s’attendaient à de la variété. Pas de la pop, han, mais des changements de style spectaculaires d’un track à l’autre. Je te le dis une dernière fois : c’est dans la même p***in de veine nuageuse !

Pour terminer, je recommande ce projet à toutes celles et ceux que les nouveaux styles de prods, les nouveaux styles de rap gavent au plus haut point et qui ont envie d’écouter des textes sur prods fats ou ambiancées à forte posologie « boom-bapienne ». Ça n’en reste pas moins un projet à l’aise dans son époque, même si la nostalgie parcourt l’échine de la tracklist…

Je mets 3 (petits) points, pour dire que ce n’est pas terminé je pense. Il y aura un autre projet avec ses trois lascars. Parce que si on choisit le tir à 7m25, au lieu du dunk, c’est pas parce qu’on sait pas sauter. C’est parce qu’on nous a pas laissé rentrer dans la raquette. C’est qu’on préfère la prise de risque pour un maximum de points. Comme dit Kaiman : « Le plus beau de tes dunks ne vaut que 2 points ! »
Ray Allen ? Stephen Curry ? Kyle Corver ? Va savoir…

En mode « To be continued »…. C’est aussi ça les « … », une fenêtre ouverte à la participation. Aux autres. À l’espoir au final… Comme quoi… « On ne juge pas un livre à sa couverture »… Jamais ! Tiens…C’est bien la première fois que je finis un texte, et donc une chronique, avec 3 GROS BONS points… Essmâa Khô !!! Sêel Agma !


Retrouvez aussi l’album 3 points sur Bandcamp


Chronique écrite par Nes Pounta