La rubrique MOOD permet à un·e activiste Hip Hop de s’exprimer sur le thème de son choix.
SOAF SWC , graffeur actif depuis le milieu des années 90, revient sur une récente polémique autour d’un pionnier du Hip Hop.
Il y a quelques semaines, un événement organisé pour une noble cause (octobre rose) a suscité pas mal d’interrogations et de réactions assez vives : comment est-ce possible qu’un artiste accusé de pédocriminalité et d’agressions sexuelles soit invité dans un lieu appartenant à la Mairie de Paris ? Non, il ne s’agissait pas d’un personnage gravitant dans l’industrie aux mœurs légères du cinéma, mais du fondateur de la Zulu Nation, un pionnier du Hip Hop.
Comment en est-on arrivés là ?
Personnellement, je n’ai entendu parler de ses déviances qu’en 2000. Suite à une grosse soirée organisée fin des années 90 par des acteurs du Hip Hop parisien, ces derniers demandent à ce gros dégueulasse ce qui lui ferait plaisir : des femmes, d’la drogue…?
Il leur a répondu «boys»… Surpris, ils lui ont fait répéter pour être certains d’avoir bien compris… Ils lui ont alors mis quelques patates pour la peine et l’ont laissé comme la merde qu’il était dans le caniveau avec ses deux potes qui l’accompagnaient.
La personne qui m’a raconté l’histoire faisait partie de l’organisation de la fameuse soirée et son témoignage ne souffre d’aucun doute.
« C’était il y a plus 20 ans ! »
Depuis que l’affaire a éclaté dans la presse suite à des plaintes aux USA en 2016, sur les réseaux sociaux, peu à peu les langues se délient et pas mal de pionniers du Hip Hop français avouent qu’ils étaient au courant depuis les années 80 !
Alors comment est-il possible que ce mec ait été invité en tant qu’artiste dans de nombreux événements (concerts, conférences, soirées, etc.), qu’il ait eu le droit en France à des reportages et des interviews alors que beaucoup savaient ? La presse Hip Hop, mainstream ou underground savaient, mais la présomption d’innocence, la fascination pour le personnage, la défiance envers l’appareil judiciaire, l’envie de ne pas tomber dans la presse poubelle, et surtout l’envie de ne pas être « celui qui va poucave » ont créé cette omerta.
Le Hip Hop, un mouvement culturel (finalement) comme les autres.
Donc, à l’instar du cinéma, de la musique (tous genres confondus), les rédactions de médias (quels que soient leurs supports) et du sport, le Hip Hop, qui se rêvait contre-culture mainstream (la schizophrénie nous guette) est finalement comme les autres : un beau milieu d’hypocrites où tout le monde a ses casseroles ! De peur qu’elles ne sortent à la lumière, tous préfèrent se taire même s’ils ne cautionnent pas ce que font leurs idoles.
Quelle(s) solution(s) ?
À cette question, j’aurai d’abord envie de répondre « j’en sais rien » ; si les abus sexuels ont été toléré dans l’Église, dans la presse, le sport, la littérature, à la télé… comment le Hip Hop aurait-il pu y échapper ? Ce Mouvement qui voulait changer le monde (festif puis politique), ne devrait pourtant pas se comporter comme les autres, sinon, comme la tektonik, ça serait peut-être mieux qu’il sombre dans les abîmes de l’oubli.
Nous devons aussi libérer la parole, écouter les victimes, être convaincus que la pédocriminalité n’est pas une orientation sexuelle mais une déviance intolérable, un crime répugnant.
Notre Mouvement n’est composé que d’Hommes (et de femmes) qui sont (mal)heureusement à l’image de notre société, et on y retrouve toutes ses composantes, les plus belles mais aussi les plus moches…
Mood by SOAF
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