Steven D. Ogburn aka BLADE est une figure incontournable du graffiti, reconnu comme le «King of Kings of Graffiti». Actif sur les lignes du métro new-yorkais dans les années 70, Blade a marqué l’histoire du graffiti avec ses «whole cars», des trains entiers recouverts de ses «pieces». Né dans le Bronx, à la fin des années 50, il a réalisé son premier graffiti en 1972 à l’âge de 15 ans, initié par son ami Hondo 1. Blade a ensuite fondé le crew légendaire TC5 (The Crazy Five) et, avec ses complices, il a laissé son empreinte sur des milliers de trains, dont son emblématique fresque «The Walking Letters».

blade walking letters 1981
BLADE – Walking Letters – 1981

Rencontre entre Amine Bouziane et Blade.

Quand tu commences, le graffiti en est à ces balbutiements. Il t’a fallu tout inventer ?

Blade : Le graffiti comme on le connaît a commencé en 1972, à New York. À cette époque, on
balbutie tous. Je commence à tagger les camions de la poste et les bus. Je débute réellement et je commence comme d’autres à faire des tags sur les métros. Nous on appelait ça des singles hits. Il n’y avait rien auquel me rattacher et c’était la liberté totale. Hondo 1 et Fresco étaient mes inspirations, j’avais l’habitude de passer du temps avec eux et c’est avec eux que j’ai commencé à investir le métro. Au début, tu t’armais d’une seule bombe de peinture et tu faisais ce qu’on a appelé plus tard des tags. Il n’y avait pas de grosses pièces, personne n’en faisait encore, c’est venu plus tard. Mais très vite, je fais des masterpieces.

C’était quoi les options pour l’adolescent que tu étais ?

On sortait des cours vers 15 heures et nos parents travaillaient. Les options, c’était de jouer au basket, de traîner dans les parcs, de draguer des meufs. Je traînais avec mon crew, les TC5. Et puis, tu ne sais pour quelles raisons, un jour tu te munis d’une bombe et de marqueurs et tu te lances. C’est comme ça que ça a commencé, avec une bombe rouge, des marqueurs et c’était parti. Comme je te disais, on a commencé par des petites pièces, des tags. On appelait pas ça des tags à l’époque mais des single hits. Habitant le Bronx, côté nord, j’ai commencé naturellement par la ligne 1. Peu à peu, les simples tags deviennent plus que ça et préfigurent
de vraies pièces.

blade graffiti king of kings
Blade

J’aime cette période qui court de 1972 à 75-76 parce qu’il y a peu de règles et chacun doit s’inventer et trouver son style. C’est une phase d’apprentissage où il n’y a pas de codes, pas de références et surtout, il y a une forme d’émulation positive où tout le monde balbutie. Avec Coco, Snake, Phase 2 et beaucoup d’autres, on a peint des centaines et des centaines de pièces avant de se lancer sur de plus grosses pièces. Très rapidement, il y a des gens qui se démarque du lot. Moses, Pipeh, Cliff, Junior 61, Tabu 1, Take 5, Supercool
Ces noms sont des oubliés de l’histoire du graffiti parce qu’il n’y avait pas de livres signifiants pour raconter cette histoire. Supercool était partout, impossible de le rater. Stay High, Staff 161 étaient très forts aussi. Il n’y avait pas de clashs, pas de problèmes de crews comme cela a pu apparaître dans les années 80 à New York et qui se sont amplifiés aujourd’hui. C’est clairement de la merde cette ambiance. Tout ça est arrivé à New York avec le crack. Ça a touché le graffiti comme les autres sphères de la société.

Tu viens du Bronx. Dans quel contexte tu grandis ? Et les Crazy Five (TC5), ton crew vient aussi exclusivement du Bronx ?

Je suis né et j’ai grandi à Parkside, au nord-est du Bronx. C’est de là que vient tout mon crew, les Crazy 5. Il y avait la musique, la politique, avec le retour des soldats de la guerre du Vietnam. Et le graffiti est rentré dans notre environnement. Il y avait des singles hits, ce que vous appelez des tags. Une appellation qui arrive à posteriori. Pour moi, le graffiti débute au début des années 70 sur les bus, dans les rues puis dans et sur les métros. Jo 182 et Taki 183 par exemple sont les premiers writers pour moi. Avant, ça n’est pas du graffiti, c’est plus des slogans avec des messages d’amour sur des murs ou un blaze marqué comme ça sans logique et sans démarche. Jo 182 ou Taki 183 faisaient des tags dans le métro et sur les rames. C’est la base et c’est ainsi que le graffiti émerge. C’est ce que je voyais. Pour moi, le graffiti, comme il doit être, c’est sur le métro. Le graffiti a débuté dans la rue et surtout sur les bus avec des gars comme Dr Sex, Hondo 1, Fresco, Camaro 170 qui faisaient des top to bottom recouvrant le bus jusqu’aux fenêtres. Je commence donc sur les bus début 1972. Je viens d’avoir 15 ans et j’enchaîne très rapidement sur les métros. Je fais des single hits et puis la même année, je passe aux masterpieces et la première se retrouve dans le livre de Jack Stewart , « Graffiti Kings ». J’ai eu de la chance.

Tu commences avec Hondo, Fresco… À quel moment se montent les Crazy Five ou TC5
?

Effectivement, mes débuts se font sur la ligne 1 avec Hondo, Fresco, Dr Sex, Chino
1
, Camaro 170, pour citer les principaux. Puis je me connecte avec Death, Vamm, Crachee,
Tull, et Comet; on s’attaque aux lignes 2 et 5 afin de pouvoir se propager jusqu’à Brooklyn.

Les TC5 se montent quand tu es au Lycée. À cette période, les pièces s’étoffent, il y a aussi la possibilité de peindre avec des caps plus gros, ce qu’on appellera plus tard, le
fat cap

Super Cool 223 a fait la première masterpiece sur un métro et c’est aussi lui qui a
utilisé le cap decap’four avec les bombes Redevil. C’est l’invention du fatcap avant
que ça n’existe et que les fabricants de bombes ne le reprennent. On se servait de peinture au
plomb. Il n’existait que ça. À partir de ce moment, ça ouvre des perspectives et on fait plus
aisément des grosses pièces alors qu’avant, c’était uniquement avec des petits caps, on y
passait donc plus de temps. Ça a permis de gagner en efficacité. On était tous à la
même école avec les Crazy 5, Phase 2 aussi. On allait tous au collège et au lycée. Ils faisaient l’appel le matin et on s’éclipsait ensuite pour fumer, boire, peindre, traîner, galoche des meufs. Cela nous permettait de ne pas se faire griller et de faire l’école buissonnière. Les Crazy Five se sont montés en 1974 parce qu’on était du même coin avec la même envie de peindre. J’étais le seul noir du groupe. Death, le fondateur du groupe était irlandais, Vanm était italien, Comet aussi. Crachee était juif. Ajax 1 était portugais… Il y avait différentes origines et nationalités et ça valait pour tout le monde du graffiti, pas que pour les Crazy Five. Comet et Ajax peignaient déjà ensemble avant moi en 1971.

blade graffiti king of kings

D’où vient ton nom Blade ?

J’ai très vite travaillé en tant que magasinier et j’avais un cutter pour pouvoir détacher
les cartons pour les transporter. Le nom est venu de la lame que j’utilisais pour ça. Je gardais le
cutter dans la poche arrière de mes pantalons, je l’avais donc toujours avec moi. C’est ensuite devenu le blase que j’ai utilisé pour peindre.

Tu es né en janvier 1957. Tu grandis dans l’Amérique de Nixon, en pleine guerre du
Vietnam. À quelques semaines près, tu aurais pu partir au Vietnam…

Oui, j’aurais pu, avec certains des Crazy 5, être contraint de partir au Vietnam. Nous
étions dans la classe d’âge, à quelques jours près. Beaucoup de writers y seraient passés
sinon. D’autres n’ont pas eu cette chance comme Futura ou Feen 707 qui ont dû partir au
Vietnam parce qu’ils sont nés pour l’un en 1955 et l’autre en 1956.

C’était quoi le fonctionnement de vos sessions à l’époque ?

On peignait à partir du vendredi soir, dès le début du week-end. On pouvait peindre 5 à 10 rames en un week-end. Il fallait être là où les métros étaient garés. On faisait les layer-up et on y restait toute la nuit. On fumait, on buvait et on peignait. Quelques fois, on y allait avec nos meufs. C’était une ambiance et on rentrait au petit matin à la maison, sans se faire remarquer par les parents.

Comment tu opérais avant d’aller peindre ? Tu préparais tes pièces par un sketch ? Tu
t’exerçais beaucoup à travers les sketchs et le dessin ?

Oui je m’entraînais à la maison, à l’école, en pause, dans les parcs. C’était le cheminement classique. On faisait tous ça. J’ai pas mal dessiné au lycée lorsque les profs avaient le dos tourné, je prenais des feuilles de papier et je m’exerçais. J’ai développé mon style ainsi. Au début je ne faisais pas de sketchs et il n’y avait pas de sketchs dans le graffiti. C’était juste du tag. Avec une seule bombe tu avais de quoi faire les intérieurs et les extérieurs d’un ou deux wagons. C’est ce qui m’a permis, à moi et à d’autres, de passer du tag à de plus
grosses pièces. Il a fallu tout inventer car il n’existait rien, le chemin n’était pas balisé. Si tu
regardes comment le graffiti a évolué entre 1972 et 1975, 1976, c’est là que tout change et que
les pièces s’agrandissent, se développent et se métamorphosent. Pour moi, c’est l’époque
bénie parce qu’il y avait tout à inventer et à créer sans pouvoir se référer à quelque chose
d’existant.

D’où provient cet imaginaire, notamment celui du cyclope et bien d’autres pièces que tu
as produites avec le Joint Man,

J’étais un adolescent qui fumait de la weed et parfois je prenais du LSD ou de la
mescaline et ça influe forcément sur ta perception. Cela te permet de rêver de manière éveillée
et du coup, beaucoup de mes pièces proviennent de là. Après j’ai pris pour habitude de me
remémorer mes rêves et de les retranscrire sur métro. Je n’avais pas de démarche
sociologique, je ne recyclais pas ce que je voyais, en tout cas pas de manière intentionnelle.
C’était purement psychique et visuel. Je projetais sur les métros, ce que j’avais dans la tête.

Il y a un tournant, à partir de 1977 avec des pièces qui deviennent de plus en plus
grosses avec des whole-cars et des pièces plus répétitives comme les bockbusters que tu
faisais avec Comet…

J’ai toujours aimé peindre avec mes potes et qu’on puisse faire des choses ensemble.
Le but était de bosser dans une émulation saine et chercher à faire des pièces qui
s’harmonisent. On voulait être un binôme reconnu donc pas de compétition entre nous et ça
nous permettait de couvrir une surface plus grande. On peint déjà depuis quelques années
ensemble et on monte les Fabulous Five. En 1977, la scène est plus vaste. Je bosse et j’ai une
voiture, j’ai des responsabilités mais la compétition me maintient car Lee, Kase 2 et d’autres
ont un style de malade et produisent pas mal de pièces. Il y a des nouveaux acteurs et il y a une compétition. On fait donc plus gros pour être vu et les pièces tournent pendant des années. Faire un whole-car, te permet d’occuper l’espace, de le prendre, d’être vu et d’exprimer ta créativité. C’était aussi un moyen pour moi de développer mon univers parce qu’à ce moment là, beaucoup de pièces finissent par se ressembler et beaucoup se copient les uns les autres.

Sur la dernière période, dans les années 80 jusqu’à 1984, tu peins avec Seen.

Nous ne sommes pas de la même génération mais il est de ceux dans les nouveaux, à
l’époque, qui peint beaucoup. Comet est en prison. Je travaille la semaine mais je vois que les
métros sont peints et j’ai toujours envie de montrer que Blade est là. J’aimais peindre mais pas
forcément seul. Comet n’était plus là donc nous avons décidé avec Seen de peindre en binôme. Toujours le week-end, comme à mes débuts. Je travaillais la semaine puis je chargeais les bombes dans la caisse et c’était parti.

Qu’est-ce qui te motive et te mobilise à peindre pendant plus de 12 ans ?

D’abord, c’est le côté grégaire, avec les potes. La légèreté du truc pour lequel tu te passionnes petit à petit et dans lequel tu prends racine. J’aimais ça. Et je ne me suis pas trompé
puisqu’aujourd’hui, il y a des graffiti dans le monde entier. C’est une forme artistique originale.
New York a été notre musée à ciel ouvert. Les pièces tournaient à l’époque. J’ai vécu une
période magique de 1972 à 1984 car les pièces tournaient. Dis-toi que certaines pièces comme
celles de Subway Art qui ont étaient faites à la fin des années 70, elles tournaient encore début
des années 80. Il était normal de voir circuler ces pièces quatre, voire cinq ou six ans après. À partir de 1982, c’est moins vrai et c’est ce qui m’a peu à peu donné envie de raccrocher. J’arrête
définitivement les métros à l’âge de 27 ans, en 1984.

Par l’entremise du photographe Henri Chalfant, tu rencontres Yaki Kombi, collectionneur et galeriste hollandais, qui te motive à entrer en galerie…

La photographe Martha Cooper m’achète une première peinture et Henri Chalfant me fait rencontrer sur Broadway, Yaki Kombit, en 1981. Il avait une galerie à Amsterdam. En 1982, je début une carrière en galerie et j’expose chez lui, en Hollande. C’est là que les choses prennent forme. Je rencontre à la même époque Vincent Vlasblom et nous travaillons toujours ensemble aujourd’hui. Je considère mon travail comme une extension de ce que je faisais sur les métros en ce sens où j’ai toujours fonctionné à l’instinct. J’ai jamais fait ce que les collectionneurs ou le monde attendait de moi. Si je suis dans un mood et une période où je préfère faire de la peinture plus abstraite, je le fais sans me soucier des attentes. Si l’idée est de retrouver cette veine du graffiti pur et dur, même chose.

Futura et Crash commencent les expositions bien avant toi. Et ce dès 1976 / 1977. À
cette époque tu es encore à fond dans les métros ?

L’opportunité ne s’est pas présentée pour moi à ce moment, ça arrivera plus tard. Il faut savoir
aussi que je suis plus vieux que Crash et d’autres de cette génération. Futura et moi sommes
de la même génération. Lee aussi. Du coup, je ne suis pas forcément lié à toutes cette nouvelle
génération qui a trois, quatre, cinq ans de différence avec moi. Si tu regardes Subway Art, à
l’exception de Lee et moi, qui ont perduré du début des années 70 jusqu’aux années 80, il n’y a
personne qui ait tenu jusqu’à être dans le bouquin. Il y a Futura, mais il est rapidement parti à l’armée et il quitte New York. Du coup, il n’est pas présent pendant des années et à son retour, il a déjà fait la transition et il préfigure ce qui se passera pour le graffiti avec son arrivée dans le monde de l’Art. Contrairement à Crash ou Futura, j’ai eu la possibilité d’exposer en Europe avant de le faire aux États-Unis.

Joint Man – Blade

Tu as couvert l’âge d’or du graffiti. De ses prémices sur métro en 1972 jusqu’à 1984.
Même si des générations plus jeunes que la tienne comme Seen ou T-Kid vont poursuivre
dans les années 80 jusqu’en 1986, 1988 voire un peu plus. Tu es celui qui a duré le plus
longtemps. Tu te considères comme un survivant, un témoin des différentes époques du
graffiti new-yorkais ?

J’ai traversé toute cette période mais les racines de cette culture et mon attachement va
aux années 70 plus qu’aux années 80 parce que j’ai vu cette culture débuter et se développer.
Ce qui a changé aussi la perception de tout cela, c’est la sortie de Subway Art en 1984. Les
années 70 ont donc été éclipsées. Le livre de Jack Stewart couvre lui les années qui vont de
1969 à 1979. C’est un universitaire de l’université de Yale qui s’est intéressé de manière très
organisée, presque scientifique, avec beaucoup de photos, des textes, une conceptualisation.
Malheureusement, le livre est sorti bien après Subway Art qui l’a un peu éclipsé. Et beaucoup vont associer Subway Art au graffiti new-yorkais, à sa genèse et cela va façonner le regard que l’on porte sur cette culture. Il y a plus de 10 ans entre ce qui est dans Subway Art et le début du graffiti sur métro à New York. L’année de la sortie correspond à la date où j’ai arrêté de peindre des métros parce que j’ai déjà commencé à exposer et à produire des toiles. Il est donc important de considérer tout ceci.

Jack Stewart - Graffiti Kings: New York City Mass Transit Art of the 1970's
Jack Stewart – Graffiti Kings: New York City Mass Transit Art of the 1970’s

Tu es considéré comme le «King of graffiti» avec plus de 5 000 trains…

C’est comme ça que l’on m’a surnommé. J’ai peint intensément pendant 12 ans et j’ai été le
témoin des prémices de cette culture jusqu’à la fin du graffiti new-yorkais, comme on le conçoit. D’autres ont continué jusqu’en 1986, 1987 voire 1988 mais cette expression était déjà en train de s’éteindre dans la ville, sur les métros comme nous l’avions connu. Lee et moi avons pu passer des années à faire des pièces qui ont fait parlé d’elles. J’avais déjà ce statut au milieu des années 80 parce que d’autres avaient dû lâcher pour aller au service militaire, partir au Vietnam, travailler et s’occuper de leur famille. Je n’ai pas lâché, même lorsque je suis devenu majeur et qu’il a fallu bosser. Tout me motivait à poursuivre. Pas d’arrestation, des métros qui
continuaient à circuler et j’avais toujours envie de peindre, de faire mieux, plus gros, plus grand. Je suis resté fidèle à ce que je faisais, avec mon propre style et mes références, qu’elles
plaisent ou non, sans partir dans des styles trop complexes ou mécaniques. J’ai toujours
préféré rester lisible, quitte à ce que le Vandal Squad [police spécialisée dans la traque des taggueurs, ndlr] puisse identifier mes pièces. Mais au moins, tout le monde pouvait les lire, même la police.

blade graffiti king of kings
Blade : Piece N° 5000

La musique a toujours été une des influences importantes dans tes peintures. À un moment, au début des années 80, le graffiti se télescope avec le Hip Hop et se crée une sorte de catéchisme avec la trinité : graffiti, rap, danse…

Oui mais je suis déjà trop vieux pour breaker et me reconnaître là-dedans. Je viens de
la Soul Music et du Funk. Mes références sont James Brown, le son de la Motown, Marvin
Gaye
. Il y a aussi Sly and the Family Stone. Je jouais de la basse et j’en joue toujours. La musique ne m’a jamais quitté. On était pris dans toute cette génération peace avec Led Zeppelin ou Jefferson Airplane car la guerre du Vietnam était une réalité qui pouvait nous rattraper. J’aurais pu aller au Vietnam mais j’ai eu la chance de naître le 23 janvier 57. À 23 jour près, j’aurais été enrôlé de force et peut-être que je serais mort là-bas. Donc le Hip Hop arrive des années après avec, d’abord l’explosion du disco, puis les MC’s, mais ça, ce n’est pas ma période.

Tu as un travail pléthorique sur toile. Tu peins aussi bien des lettrages, des personnages,
des toiles avec slogan politiques et commentaires sociaux en tags, de l’abstraction
aussi. D’où vient cette diversité ?

J’ai commencé à peindre des toiles dès 1982 parce qu’on m’en a offert l’opportunité.
J’ai vu la toile comme une continuité de ce que je faisais sur les trains en ce sens où j’ai
conservé la même liberté. Je ne me pose pas la question de savoir ce que je vais faire. Je le
fais en fonction de l’humeur, de l’envie du moment aussi. Je pourrais ne faire que de l’abstraction pour couper tout lien avec le graffiti comme d’autres ont pu le faire pour ne plus y être rattaché. Je gagnerai peut-être plus d’argent mais ça n’est pas mon souhait. J’ai fait du graffiti comme je fais des toiles, en suivant ce que je veux faire et non ce que le milieu de l’art ou les gens peuvent dicter. Si je ne prenais pas le même plaisir à peindre des toiles que celui que j’avais à faire des métros, je n’aurais pas poursuivi. C’est d’abord personnel et c’est une forme de catharsis et c’est ce qui fait que je peins en continu et jamais parce qu’il y a une exposition ou un évènement. Je peins puis je mets de côté. C’est comme ça que j’ai toujours procédé.


Interview par Amine Bouziane, réalisateur du documentaire « Graffiti : Peintres et Vandales » , curateur d’expositions et spécialiste en graffiti pour Controversy Arts. Il présente sa nouvelle exposition intitulée « Point Of View » à Paris du 12 décembre 2024 au 5 janvier 2025 avec : BLADE, THAMI et LUTES.

BLADE : son site bladekingofgraf.com et son instagram