DJ Stresh est un DJ/producteur originaire de Paris, passionné de Hip Hop, il multiplie les collaborations avec différents artistes de la scène française et internationale. En 2016, c’est la consécration lorsqu’il remporte le titre de champion de France lors du Battle Red Bull 3Stye et le titre de vice-champion de France DMC (Battle For World Supremacy). Apprécié par le public et les artistes pour sa technique et son expérience, DJ Stresh est devenu une valeur sûre parmi les DJ’s français.
Bonjour DJ Stresh, tout d’abord pourquoi ce pseudo ?
J’ai commencé par la danse Hip Hop étant plus jeune, un de mes surnoms quand j’étais encore breaker c’était « élastique » que j’ai traduit en anglais. « Stretch » ça ne me plaisait pas trop alors je l’ai combiné avec le bruitage « Fresh » qui est assez emblématique pour les DJ’s, ce qui a finit par donner Stresh.
« J’ai commencé par faire des mixes et des boucles avec un poste K7. »
Quel a été ton premier contact avec le Hip Hop?
Mon premier contact avec le Hip Hop a été la danse Hip Hop qui était assez présente au milieu des années 90’s et surtout dans les MJC [ndlr : Maison de la Jeunesse et de la Culture]. Un de mes amis s’y est mis et on est tout de suite rentrés dedans, c’est par ce même ami que je découvre le DJing par le biais de son frère aîné.
Qu’est-ce que représentait le Hip Hop pour toi à l’époque et que représente-il pour toi aujourd’hui ?
Le Hip Hop représentait beaucoup pour moi, j’ai essayé toutes les disciplines, le DJing est celle qui a le plus retenu mon attention. Aujourd’hui j’aime toujours autant le Hip Hop, malgré les différents débats qu’il peut générer, il y a plus de moyens et beaucoup plus d’opportunités à saisir…
Te considères-tu comme un DJ Hip Hop ?
Bien évidemment ! Cependant je joue pleins d’autres styles de musique. Je pense qu’il ne faut pas oublier comment le Hip Hop a commencé. Un DJ Hip Hop ça ne voulait rien dire dans les années 70’s, le Hip Hop vient du reggae, du rock, de la soul, du funk et de l’electro, c’est pour cette raison que je n’aime pas le terme Open Format parce que c’est ce que les DJ’s Hip Hop ont toujours été pour la majorité. Ma définition d’un DJ Hip Hop c’est ça, le fait d’être open format mais toujours dans la recherche et avec une technique développée pour amener quelque chose de différent.
Comment as-tu débuté le DJing ? Et pourquoi ?
J’ai commencé le DJing à l’âge de 13 ans, j’étais tout simplement passionné de musique étant plus jeune, il y avait énormément de mix shows à la radio (Cut Killer Show, Da Hypnotik, What’s The Flavor, Vinyl Concept…) J’ai grandi avec cette culture du mix à la radio. J’ai commencé par faire des mixes et des boucles avec un poste K7, puis j’ai réellement appris à mixer en 98 pendant une semaine d’initiation en MJC.
Quelles ont été les difficultés rencontrées à tes débuts ?
Les difficultés, comme pour tout DJ qui débute, c’est de ne pas avoir de matériel. C’est quasiment impossible de s’en procurer autant quand tu es si jeune, alors j’allais m’entraîner chez des amis, et partout où je pouvais d’ailleurs. J’ai ensuite acheté des platines bas de gamme comme tout le monde pour débuter, et quelques années plus tard j’ai acheté la totale !
Tu as commencé par être vendeur chez un disquaire puis par devenir DJ à plein-temps, quand as-tu pris conscience que ta passion était aussi un travail ?
Tout est allé très vite, ce n’était pas un travail et je ne considère toujours pas ça comme un réel travail dans le sens où je fais ce qui me plaît sans que ça soit désagréable. Quand je travaillais dans la boutique de disques, j’ai rencontré énormément de monde dont Youssoupha que j’ai accompagné sur scène pendant un bon nombre d’années, c’était la première fois que j’ai eu une fiche de paie avec Disc-Jockey en profession.
Quelles sont tes références chez les DJ’s ?
Énormément de références : Jazzy Jeff, les Invisbl Skratch Piklz, Craze, A-Trak, Kenny Dope, Louie Vega, DJ Spinna, Cut Killer, Kid Capri, les Beat Junkies, Osunlade et pleins d’autres…
À la base le Hip Hop c’était l’association de 4 disciplines (la danse, le graff, le DJing et le MCing), à l’heure actuelle même si MC et DJ restent proches, ces 4 éléments se sont un peu perdus de vue, pourquoi à ton avis ?
Mon avis c’est que c’était quelque chose de spontané dans les années 70’s et à partir du moment où le Hip Hop est devenu une industrie, il fallait s’attendre aux objectifs économiques de l’époque, ce qui a eu énormément de conséquence sur la musique, le rap étant la face mercantile du Hip Hop, chaque décennie il fallait une stratégie différente : faire de la musique communautaire, faire de la musique pour les clubs, faire de la musique pour une autre communauté, faire de la musique pour la radio… La différence qu’il peut y avoir, c’est qu’au départ le Hip Hop était principalement fait par et pour sa communauté et au fil du temps, la cible s’est déplacée.
Le disque vinyle fait un retour en force depuis quelques années et retrouve les faveurs du public, même si c’est parfois par élitisme, que penses-tu de ce « nouvel » engouement pour le vinyle? Est-ce que tu en achètes encore ?
Je pense que c’est un retour pour ceux qui avaient arrêté d’en acheter, pour ceux qui ont continué, rien n’a changé et rien ne changera pour les vrais consommateurs de disques.
En 2016 tu es devenu champion de France Red Bull ? Avais-tu déjà participé à des concours/championnats de DJ avant ça ? Qu’est-ce que tu as ressenti au moment de ta victoire ?
J’avais déjà participé à des battles, que j’ai tous remporté au passage, mais c’était des petits battles, rien de national. Cette victoire a été importante pour moi, parce qu’elle m’a permis d’avoir la reconnaissance que je n’ai jamais réellement eue avant, j’étais connu pour ce que je faisais avec les artistes avec qui j’ai pu travailler mais pas pour mon activité solo. Cela m’a aidé à avoir une meilleure audience et beaucoup plus d’opportunités.
Tu as ensuite représenté la France au championnat du monde au Chili, était-ce ton premier concours international ? Vas-tu en faire d’autres?
C’était ma première expérience de championnat à l’étranger, une super expérience qui m’a permis de rencontrer beaucoup de monde. Je ne pense pas faire d’autres compétitions, c’est quelque chose que j’ai voulu faire à un moment mais je n’ai aucun projet de refaire une compétition pour le moment.
Depuis tu travailles avec Red Bull sur d’autres événement DJ comme la Redbull University, comment se passe cette collaboration ?
Après ma victoire, j’ai proposé à Red Bull de faire des workshops pour aider les jeunes DJ’s à travailler leur technique et leur donner quelques conseils, ce qui a donné la Red Bull 3Style University, c’est une expérience qu’on a réalisé deux années de suite dans plus de huit villes et campus de France.
Tu as participé au développement de PHASE créé par MWM (Music World Media). Que retiens-tu de cette expérience ? Peux-tu nous parler de cette révolution technologique et de ce qu’elle implique pour les DJ ?
J’ai collaboré avec MWM sur le projet PHASE avant même qu’une maquette ne soit construite. Après avoir fait beaucoup de lives et utilisant des platines vinyles, comme beaucoup de DJ’s j’ai rencontré pas mal de problèmes techniques dus au rumble (perturbation de l’équilibre des platines à cause des puissantes ondes sonores des enceintes, ndlr), matériel défectueux, etc. Il fallait trouver une alternative pour pouvoir se focaliser sur la performance, je leur ai donc proposé de faire des cellules digitales qui seraient directement connectées au signal Serato de l’ordinateur. Les cellules sont utiles pour transmettre le son des disques, mais dans le cas de Serato il s’agit juste d’un signal donc une cellule n’est pas le meilleur outil compte tenu de sa sensibilité aux vibrations. Chez MWM ils ont tout de suite été intéressés par le concept, ils l’ont développé et PHASE est né. C’est une réelle innovation, un réel outil de performance qui offre au DJ’s turntablist un réel confort d’exécution.
Qu’est-ce que tu préfères : accompagner un artiste sur scène ou faire danser le public en mode clubbing ? Comment abordes-tu ces deux aspects de ton métier ?
J’ai totalement arrêté d’accompagner des artistes sur scène, je l’ai fait pendant 15 ans, cela m’a permis d’avoir de l’expérience sur scène. En revanche, au bout d’un moment, j’ai perdu l’engouement des débuts, accompagner un artiste sur scène c’est aussi être disponible pour lui exclusivement, ce qui peut parfois être un peu difficile. Beaucoup de temps, beaucoup de disponibilité et d’énergie. J’ai commencé le DJing pour être DJ, je préfère mixer en club et pouvoir proposer mon univers, faire danser les gens, là où quand on accompagne un artiste on est simplement celui qui envoie les bandes son. Pour moi rien ne vaut la liberté de faire ce qu’on veut en tant qu’artiste et surtout pouvoir partager des émotions avec un public par la musique.
Tu es aussi beatmaker, est-ce un passage obligé pour tout DJ ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de créer tes propres sons ?
J’ai commencé le beatmaking en 2003, pour moi un DJ doit être complet, il doit être capable de produire, mixer en club, faire des compétitions, être technique. Pour moi il n’y a pas de distinction, c’est le fruit de ce que j’ai pu observer chez mes mentors, ils sont tous producteurs, DJ’s et techniciens.
Quelle est la différence selon toi entre DJing et turntablism ?
Je ne fais aucune différence, un bon DJ doit être capable d’être turntablist et un turntablist se doit d’être un bon DJ. Le turntablism fait partie du DJing, c’est la partie technique. Après il y a de très bons DJ’s qui ne sont pas techniques, mais pour moi le mix fait aussi partie du turntablism, je ne parle pas seulement de beat matching, le vrai mix c’est de choisir les bons morceaux qui vont bien aller ensemble et approfondir cette recherche, jouer avec les EQ, enchaîner au bon moment ça demande un minimum de technique.
Tu fais partie du collectif Hello Panam, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Hello Panam est un collectif crée par DJ Jim. À la base c’était un afterwork puis il a décidé d’allier plein de DJ’s qui ont la même vision de la musique, on est pas mal, mais on est tous différents dans nos styles. Par exemple : Sam One va jouer principalement un set House, Selecta K-Za joue Reggae Dancehall, Enjay ça sera Future Beats tandis que Clems joue R’n’B, etc. On se complète, on aime sortir du commun et surtout être imprévisibles.
Quel regard poses-tu sur l’évolution du milieu de la nuit parisienne ?
L’évolution des nuits parisiennes est le miroir de l’évolution de la société et de notre époque, il est très difficile de proposer des soirées alternatives par rapport à ce qui se fait partout. De l’autre côté, il y a une clientèle qui ne sort plus.
On dit que le public parisien est blasé, est-ce que tu le ressens ?
Je ne sais pas si le public parisien est blasé, je pense que cela peut aussi être une réponse à ce qu’on lui propose. S’il y avait plus de diversité et d’investissement, je suis persuadé que cela changerait les choses.
Est-ce que tu as constaté la même évolution dans d’autres villes ou dans d’autres pays ?
C’est un état global, c’est la même chose partout. Il y a cependant des alternatives proposées par certains DJ’s, je pense à la soirée Everyday People de DJ Moma, le festival Day Off de Fool’s Gold, les Do Over Sundays ou les Bastid BBQ de Skratch Bastid. Ces soirées alternatives sont organisées par les DJ’s eux-mêmes, et je pense moi aussi proposer ma propre soirée… À suivre !
Quel a été ton meilleur souvenir lors d’un set ? Dans quel club/quelle soirée ? Dans quelle ville ?
J’ai eu l’occasion de jouer en plein air pour un festival à Aix-en-Provence il y a quelques années, j’ai dû jouer devant 1000 personnes, la tranche d’âge c’était de 7 à 77 ans et j’ai eu droit à des applaudissements à la fin de mon set.
Quel est l’instant le plus marquant de ta carrière de DJ ?
J’ai eu la chance de jouer en première partie de Qbert, DJ Jazzy Jeff ou avec Cut Killer. Je pense que c’est le rêve de pas mal de DJ’s mais c’est toujours surréaliste de pouvoir approcher ses mentors, surtout de cette façon.
Quel est ton club/lieu préféré ?
J’aime beaucoup le Djoon Club, c’est un club légendaire et surtout chaleureux, pas mal de soirées Hello Panam se sont déroulées là-bas, j’en garde un bon souvenir.
Depuis tes premiers pas dans la culture Hip Hop que penses-tu de l’évolution du métier de DJ ?
Pour moi il n’y a pas eu énormément de changement. Il y a de très bonnes choses, que ce soit au niveau des nouvelles technologie ou au niveau technique. On parle souvent du côté négatif de l’évolution du DJing mais pas du positif venu de ces évolutions. Aujourd’hui il est plus simple de toucher sa communauté grâce aux réseaux sociaux, de sortir de la musique et de collaborer avec différents artistes dans le monde, il y a beaucoup de positif.
Cela fait maintenant un peu plus de 20 ans que tu es DJ, le plaisir derrière les platines est-il toujours le même ?
J’ai toujours autant de plaisir à mixer et je ne cesse d’apprendre de nouvelles choses à pleins de niveaux différents, j’ai encore énormément de choses à faire.
Ton mot de la fin ?
Beaucoup de choses à venir dans les prochains mois, des nouveaux titres et des apparitions sur certains projets… À suivre !
BONUS TRACK
Quel est le titre que tu as le plus joué ?
À une époque c’était « Breathe & Stop » de Q-Tip j’utilisais surtout les drums de l’intro que je jouais en boucle.
Quel est le titre que tu as toujours plaisir à jouer ?
Je dirais « Brighter Days » de Cajmere, c’est un titre que je joue systématiquement,
dans toutes les versions et édits possible.
Quel est le titre que tu n’as plus envie de jouer ?
Fat Joe « Lean Back » beaucoup trop entendu et depuis trop longtemps déjà.
Retrouvez DJ Stresh
sur son site : djstresh.com
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