L’Uzine, collectif né en 2007 à l’initiative de trois MC’s : Tony ToxikSouffrance et Cenza, intègre par la suite Tonio Le Vakeso ainsi que MSB à la prod afin de représenter fièrement Montreuil et le rap sans concession que le groupe affectionne.
Rencontre avec Tony Toxik qui nous parle de sa vision du Hip Hop et du chemin parcouru avec son Uzine à rap.

Salut Tony, tu peux nous présenter L’Uzine et ses membres ? Quel serait le morceau à écouter pour découvrir le travail du groupe ?
L’Uzine est un groupe composé de quatre MC’s (Cenza, Tony Toxik, Souffrance et Tonio Le Vakeso) et de deux DJ’s (G High DJo et Soul Intellect). Pour moi ça serait le morceau Phoenix, c’est le plus actuel et tu peux nous y entendre tous les quatre.

Comment avez-vous découvert la culture Hip Hop ?
Je pense qu’on l’a tous découvert un peu différemment. Pour ma part j’ai découvert le Hip Hop avec les grands de ma cité.

L’uZine au complet

Qu’est-ce que la culture Hip Hop représentait pour vous à l’époque et que représente-t-elle aujourd’hui ?
À l’époque ça représentait une liberté et surtout une échappatoire et une nouvelle famille. Aujourd’hui c’est un peu plus brouillon mais elle est toujours présente dans notre quotidien.

Quelles sont vos influences ? Les rappeurs qui vous ont inspiré à vos débuts ? Qu’est-ce qui vous a donné la motivation pour persévérer dans le rap ?
Pour ma part ce sont les groupes 93 Lyrics et Kronik de Montreuil qui m’ont inspiré. La motivation qui a créée notre persévérance est qu’on avait que ça à faire (rires) et surtout l’envie de faire voyager notre musique.

L’Uzine – C’est Comment (extrait de l’album Jusqu’à la vie sorti en 2020)

Vous venez de Montreuil, est-ce que vous pouvez décrire cette ville ? (l’ambiance, etc…) Cette ville est spéciale pour vous ? Longtemps maudite dans le rap ?
Tout dépend de quelle époque on parle. À l’ancienne je dirais qu’il y avait une ambiance très musicale et artistique. Au début, dans les années 90, c’était le ragga qui dominait la scène musicale, ensuite est venu le rap, chaque cité était comme une petite ville à part entière, avec ses rappeurs pour la représenter.
L’ambiance était très familiale entre les cités et les foyers maliens qui les entouraient. Comme MC Solaar a dit une fois à Cenza au Café la Pêche (Salle de concert à Montreuil) « Montreuil, la banlieue de toute les banlieues ».
Aujourd’hui la ville change, comme pour Pantin par exemple, les bobos sortent de Paris pour venir s’y installer et changer les codes qui font que ses villes étaient si spéciales.
Je ne pense pas qu’elle soit maudite dans le rap, je pense que ses protagonistes à l’époque était plutôt concentrés sur autre chose que seulement réussir dans la musique. Le chemin pour être connus du grand public est long et sinueux, à l’époque c’était plus pour s’amuser et représenter sa cité qu’on faisait du rap.

Par rapport à l’évolution du Hip Hop que pensez-vous de cette distance qui s’est installée entre les 4 disciplines d’origine ? Par exemple même si les MC’s et les DJ’s sont restés proches professionnellement, on ne voit plus trop de graffiti ou de danse Hip Hop dans les clips de rap ?
La distance entre les disciplines, je trouve ça vraiment dommage mais peut-on continuer à qualifier de Hip Hop des musiques « mainstream » ? Il reste toujours des activistes de toutes les disciplines du Hip Hop, c’est simplement que dans les nouveaux genres, ils ont mis de côté le graff, le scratch, etc…

Tonytoxik

La scène graffiti est très importante à Montreuil, est-ce que vous vous y intéressez ? Ainsi qu’aux autres disciplines du Hip Hop ? Quels sont les artistes (graffiti, beatbox, danse Hip Hop) dont vous aimez le travail ?
Montreuil, oui… gros terrain pour la scène graffiti depuis l’époque et toujours aujourd’hui. Il y a Vision du MCZ Crew qui est très très fort, Espion, Seyb…et Cenza à l’époque il était en mode graff.

Pouvez-vous me donner votre sentiment sur votre parcours après trois albums, des projets en solos, des mixtapes… C’était important de le faire en indépendant ?
Je dirais que nous n’avons jamais arrêté de faire de la musique et de sortir des disques. Je sors des CD’s depuis 2005. Nous avons toujours été en indépendant car personne ne s’est jamais vraiment intéressé à nous et faute de moyens c’est par la force des choses que nous nous sommes retrouvés à tout faire nous-mêmes, de l’instru à l’enregistrement, des clips jusqu’à la distribution. Nous avons essayé de travailler en distrib pour le premier album solo de Tony Toxik, Familia, mais ce genre de méthode ne nous intéresse pas du tout car c’est juste mettre à disposition un studio d’enregistrement que nous avons déjà avec très peu de moyens au niveau du budget promo et des clips, on en donc a conclu que nous sommes mieux seuls et que tout roule depuis le début comme ça.

L’Uzine – Excellent (extrait de l’album Jusqu’à la vie sorti en 2020)

À propos du nouvel album Jusqu’à la vie qui est sorti l’an dernier, quels sont les retours ?
Les retours sont incroyables, franchement nous recevons des messages de partout, des commandes dans le monde entier, c’est complètement dingue.
C’est là que nous nous rendons compte que L’Uzine a un impact incroyable sur notre public car depuis 2015 (sortie de la mixtape Made In Z) nous n’avons plus rien proposé en groupe pour laisser Cenza, Souffrance et Tony Toxik réaliser leurs projets solos.

Vous sortez un album en plein confinement, ça a changé quelque chose ?
Non pas grand chose réellement au niveau de la sortie. Par contre les concerts sont reportés et on a grave eu du retard sur la livraison du pressage de l’album, heureusement que notre public nous soutient à fond et nous fait confiance.

Vous faites transpirer les salles à chacun de vos shows, comment vous décririez votre public ?
Nous sommes un groupe né sur scène, il est super important pour nous d’y être bien présents et de faire le job à 200%, il est hors de question que nous montions sur les planches en n’étant pas prêts. Le public est super réceptif à nos morceaux aux BPM rapides, nous pouvons proposer des bangers en faisant du boom bap. Quand le public part en pogo c’est qu’on a fait le job.

D’ailleurs sur scène vous avez deux DJ’s, pourquoi ce choix ? Ça rappelle un autre groupe du 93.
Tout simplement parce qu’on à fait le test un jour et que pour nous, c’était le seul élément manquant de notre groupe. Un DJ qui assure le bon déroulement du show et l’autre qui apporte de la technique. Et cela apporte un côté vraiment Hip Hop à notre show.

L’Uzine – Le Pacte (extrait de l’album Jusqu’à la vie sorti en 2020)

Il y a beaucoup de sorties ces temps-ci, on peut connaître vos derniers kiffs ?
J’ai grave kiffé le dernier projet de Conway et Alchemist, Lulu. Avec Cenza on a aussi écouté le nouveau Killarmy qui est sorti le même jour que notre album, on nous compare souvent à eux et au Wu-Tang, pour ma part j’ai été plutôt déçu.

Un petit mot sur la nouvelle génération de rappeurs français ? Est-ce que vous accrochez à certains ou pas du tout ? La dimension « culture Hip Hop » est-elle toujours présente selon vous ?
La nouvelle génération est comme son époque, il y a à boire et à manger. Il y a bien plus de rappeurs, du moins qui essaient de l’être, qu’à l’époque, avec internet, les réseaux sociaux, etc… Il y a des artistes que j’apprécie forcément comme Josman par exemple, je sais reconnaître le talent des uns et des autres mais sincèrement j’écoute du rap français seulement pour me tenir au courant. Quand c’est pour kiffer j’opte pour le rap kainry (Griselda en ce moment) ou d’autres styles musicaux.
La culture Hip Hop reste bel et bien ancrée même si certains jeunes donnent vraiment l’impression de ne pas la connaître.

Si vous deviez faire un top 5 de vos rappeurs/rappeuses favoris (français et ou internationaux ) vous choisiriez qui ?
Notorious BIG
B-Real (Cypress Hill)
Nas
Lino (Ärsenik)
Wu-Tang Clan

Comment imaginez-vous l’avenir du rap français ? Et l’avenir de la culture Hip Hop en général ?
L’avenir du rap français est presque tracé vu que nous suivons les États-Unis avec dix piges de retard. En tout cas il entre de plus en plus dans les mœurs et ça c’est vraiment bien. La culture Hip Hop existera tant que le rap existe.

Souffrance – Tranche de Vie en
pré-vente sur le Bandcamp du groupe

Vous pouvez nous parler de vos projets ?
Il y a eu le premier album solo de Tonio Le Vakeso, J.A.M.
La mixtape de Souffrance (Noctambus) est sortie fin 2020 et son album Tranche de Vie est prévu pour mai 2021. Le premier extrait du nouvel album de Cenza (Le Manuscrit) est déjà disponible et pour L’Uzine plusieurs projets sont déjà entamés.

Souffrance – Étoiles Filantes (extrait de l’album Tranche de Vie)

Un mot de la fin ? Une dédicace ?
Le mot de la fin sera une putain de dédicace à DJ Duke, notre ami parti trop tôt.

Interview réalisée par Didoo.


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