Fervent défenseur de la culture Hip Hop à Paris et adepte des scènes ouvertes dès 1996, Rotka rappe depuis plus de 20 ans, en solo ou en groupe, des textes percutants et profonds inspirés par Brel ou Nougaro. Entretien avec ce MC au flow affuté et à la conscience aiguisée dont le nouvel album, Antigone est sorti en octobre 2020.

Bonjour Rotka, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour ! Moi c’est Rotka, rappeur parisien avec plus d’une vingtaine d’années de rap à son actif, organisateur d’événements et passionné avant tout.

Rotka – photo © Marlène Boulad

Tu as sorti un nouvel album, Antigone, que représente-t-il pour toi ?
Avant tout, j’aime que mon album porte le nom d’une femme. Une femme qui, pour moi est le symbole de la rage intacte.
À travers les jeux de pouvoir, les jeux de famille, on y retrouve l’œuvre d’une femme qui n’a jamais retourné sa veste, c’est la rage intacte.
« Moi je l’ai appelé la foi mais vous, faîtes comme vous voudrez »

ROTKA – Antigone – 2020

Dans cet album, je pense que chacun peut se sentir concerné par un sujet ou une cause évoquée à un moment ou à un autre, de quoi t’es-tu inspiré ?
Pour moi RAP c’est « Rythm and Poetry ». Mes inspirations sont restées fidèles à ce principe. Elles viennent de la vie, l’inspiration au sens propre. C’est le souffle de vie.
Ma musique est vivante. Mon album passe un message, celui de l’amour et de l’empathie. Je ne dis pas que tout le monde doit se rassembler autour de moi mais plutôt autour de cette musique. Cette musique qui est pure et porteuse d’un message pour créer l’unité. J’ai surtout envie que les gens prennent conscience de l’importance d’être soudés et solidaires, de faire front pour des causes justes. Et je pense que cet album reflète tout à fait cet état d’esprit.

D’ailleurs, est-ce que c’est toi qui écris tes textes ?
Oui bien sûr. Je pars souvent d’une phrase (vue ou entendue dans la rue) puis le reste du texte vient tout seul.

Tu as une ambiance favorite ou un rituel pour écrire ?
Tout dépend du contexte. En Afrique par exemple j’ai découvert que je travaillais mieux dans l’urgence et sous pression. Mais pour cet album j’ai aimé prendre mon temps et mûrir mes textes.

Comment s’est passé la rencontre et la collaboration avec Mellow Mood ?
J’ai rencontré Sébastien Huot, producteur de Mellow Mood, grâce à un ami en commun et nous avions enregistré le premier EP de la Ballade Mentale dans son studio, quelques années après Seb m’écrit pour me dire qu’il me reste quelques heures d’enregistrement. Encore une fois, c’est une histoire de liens et de rencontres.

Par quoi as-tu été influencé avant de commencer ta carrière ?
Le rap américain des 90’s, pour le flow et la culture musicale, et le rap français pour l’amour des mots. Puis l’amour de la langue française grâce auquel j’ai vite vu toutes les possibilités de faire passer un message et des émotions.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de rapper ?
Pour moi l’art c’est le fait de transformer la réalité, j’avais envie de changer la mienne. La transcender pour mettre plus de positif dans ma vie

Pourquoi le Hip Hop et pas une autre discipline ?
J’ai grandi dans ce milieu. À mon époque, celle des boosters et des joggings Lacoste, le rap était la bande originale de ce que je vivais et le Hip Hop était son temple.

Comment tu définis ton style dans le Hip Hop ? Où est-ce que tu te positionne ?
Ancienne école, conscient, même si la lourdeur de ce mot me gêne, j’aime faire passer des émotions avant tout et laisser des textes qui tirent vers le haut.

Tu as commencé en 1996 avec des scènes ouvertes, puis un premier groupe « Orphelins » en 1997, le temps a passé, mais le Hip Hop a-t-il changé depuis selon toi ? Quelle différence tu fais entre Hip Hop old school et Hip Hop new school ?
À mon sens, le Hip Hop regroupe cinq disciplines, cinq arts : le break, le graff, le DJing, le rap et le beatbox. Le Hip Hop a évolué, il n’a pas changé. Aujourd’hui il est mondialement connu et accepté par toutes les générations. Le break pourrait même faire partie des disciplines des prochains jeux olympiques !
Par contre, en ce qui concerne le rap, je trouve que les textes se sont appauvris et la musique aussi. Mais si je suis parfaitement honnête, à mon époque on entendait les mêmes critiques sur nos sons. Le plus important est que l’esprit Hip Hop perdure, quoi qu’on en dise, grâce notamment à des événements d’envergure comme ceux montés par le collectif Rumble qui permettent à toutes les générations de se retrouver pour danser et prendre le micro.

« Le rap était la bande originale de ce que je vivais et le Hip Hop était son temple. »

Aujourd’hui on a l’impression que n’importe qui peut sortir un son et cartonner. Pourtant les sonorités et les paroles se ressemblent et peu sortent du lot finalement. Comment tu perçois cette industrie du « hit » actuellement ? Tu as une théorie sur ce phénomène ?
Faire sa vie d’artiste sur un morceau est le lot commun de bon nombre d’artiste. Le fait de rencontrer le succès, pour moi, ne veut pas dire entrer dans la facilité. L’époque d’aujourd’hui ne fait que suivre celle de nos prédécesseurs.

Est-ce qu’il y a des artistes dit « d’aujourd’hui » avec qui tu aimerais travailler ?
Oui quelques-uns tel que Gaël Faye, Lino, Yseult, des artistes qui m’ont beaucoup touché.
Mon voyage en Afrique de l’Est s’est fini avec un EP qui sera distribué bientôt avec une dizaine de featurings d’artistes locaux, j’espère pouvoir y retourner et faire un feat. avec la voix légendaire de Wise Man.

Rotka – photo © Marlène Boulad

Avec Babtou The Roots (projet musical et documentaire avec des rappeurs internationaux du Kenya, de Tanzanie et de France) et Ballade Mentale (formation acoustique Hip Hop/jazz) on voit clairement la volonté de fédérer plusieurs univers musicaux. C’est ce que la musique permet, alors, comment ces aventures se sont-elles créées ? Et qu’est ce que ces collaborations t’ont apportées ?
Je ne crois pas au hasard, toutes mes aventures se sont faites au gré de rencontres, au bon moment, puis d’opportunités saisies.
Avec Ballade Mentale on répétait et on se produisait si souvent que la musique a rythmé ma vie durant une dizaine d’années. Tandis que pour le projet Babtoo The Roots, ce fut un mois au pied du mur, confronté à un monde dont je ne parlais pas la langue. Je n’avais plus mes repères, je suis sorti de ma zone de confort et me suis confronté à un univers totalement différent. Ce qui m’a permis de me retrouver et de prendre conscience de ma réelle capacité artistique. Le documentaire éponyme retrace tout ce parcours et regroupe l’ensemble des featurings enregistrés durant ce voyage. Il sortira très bientôt et j’ai hâte que vous le découvriez.

La musique en temps de Covid, qu’en penses-tu ?
Ce que je regrette avec le Covid c’est de ne pas pouvoir défendre mon album sur scène. Par contre, il a permis d’être sans cesse créatif et de devoir s’adapter grâce notamment aux lives insta ou facebook par exemple. Je songe d’ailleurs à en faire autant très bientôt.

Quels sont tes projets pour la suite ? J’ai cru entendre parler d’EJM…
On a croisé le fer sur scène plusieurs fois avec EJM cette année, ça me manque, ça date. Pour la suite, je vous promets des surprises ! Restez connectés.

Artistiquement tu te vois où dans 5 ou 10 ans ?
Je n’en ai aucune idée, j’évolue au fil des rencontres qui peuplent ma vie.

Un mot de la fin ?
Soyons lucides dans ce monde de mensonges, profonds là où tout est superficiel, mais en musique s’il vous plaît !
Merci beaucoup pour cette interview ! Rejoignez-moi sur les réseaux pour connaître la suite ! L’album Antigone sortira en vynile très bientôt !


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Entretien réalisé par Zoé Lebarbier.